Traductionde 'camp de travail' dans le dictionnaire français-allemand gratuit et beaucoup d'autres traductions allemandes dans le dictionnaire bab.la.

1 Dans un roman rĂ©cemment traduit en français, Javier Cercas relate l’enquĂȘte obstinĂ©e qui l’a menĂ© sur les traces d’un nonagĂ©naire barcelonais, Enric Marco Batlle [1]. Pendant des annĂ©es, celui-ci s’est fait passer pour un ancien combattant antifranquiste et a portĂ© la parole des survivants espagnols de l’Holocauste, multipliant confĂ©rences et interviews. Mais en 2005, un historien, Benito Bermejo, met au jour son imposture, plongeant le pays dans la stupĂ©faction Marco est bien allĂ© en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale mais en tant que travailleur volontaire ; il a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© par la Gestapo Ă  Kiel et a passĂ© trois semaines en prison, mais il n’a jamais Ă©tĂ© internĂ© dans le camp de concentration de Flossenburg, en BaviĂšre. Javier Cercas souligne que le succĂšs de cette biographie fantasmĂ©e, entremĂȘlement de vĂ©ritĂ©s et de mensonges, s’explique par la version positive qu’elle proposait de l’histoire rĂ©cente de l’Espagne, mettant en scĂšne un peuple courageux et qui avait rĂ©sistĂ© tant Ă  la dictature franquiste qu’au nazisme. À cette amnĂ©sie collective et Ă  la frĂ©nĂ©sie de mĂ©moire historique » qui s’est dĂ©veloppĂ©e depuis les annĂ©es 2000, Ă©rigeant en vĂ©ritĂ© absolue la parole des victimes, l’écrivain oppose l’enquĂȘte historique. Le chantage du tĂ©moin » n’est ainsi dĂ©finitivement avĂ©rĂ© qu’à la fin du roman, lorsque l’auteur oppose aux dires du fantasque imposteur la vĂ©ritĂ© des archives, en l’espĂšce le registre d’entrĂ©e du camp de concentration de Flossenburg celui-ci ne contient pas le nom de Marco [2]. 2Si Marco avait commencĂ© Ă  Ă©voquer son internement dans un camp de concentration nazi en 1976, ce n’est qu’en 2000 qu’il s’est rapprochĂ© des associations d’anciens dĂ©portĂ©s l’absence de survivant parmi les 14 Espagnols qui avaient Ă©tĂ© internĂ©s dans le camp de Flossenburg rendait peu probable une mise en doute de sa parole. Le contexte est alors extrĂȘmement favorable Ă  l’affabulateur car la sociĂ©tĂ© espagnole entre dans une pĂ©riode d’intense activitĂ© mĂ©morielle qui fait la part belle aux tĂ©moignages des victimes de la dictature franquiste. Un fort mouvement associatif revendique en effet une rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire historique », c’est-Ă -dire une mise en rĂ©cit de l’histoire rĂ©cente de l’Espagne qui rompe avec le silence et le mensonge qui auraient jusque-lĂ  prĂ©valu. Ce dĂ©bat public autour du passĂ© est aujourd’hui exacerbĂ© relayĂ© par les mĂ©dias, il passionne l’opinion publique et est largement utilisĂ© par les partis politiques [3]. L’Espagne semble ainsi malade de son passĂ©, incapable d’assumer les fantĂŽmes de la guerre civile et de la rĂ©pression franquiste. Comme dans d’autres pays europĂ©ens ayant connu une transition vers la dĂ©mocratie, la question de la conservation et de l’ouverture des archives joue dans la pĂ©ninsule un rĂŽle crucial puisqu’elle est la condition de l’établissement de la vĂ©ritĂ© historique et de la rĂ©habilitation de la mĂ©moire des victimes [4]. Si, pendant la transition dĂ©mocratique, aucune destruction massive d’archives n’a fait la une des mĂ©dias au contraire de l’Allemagne, une partie des documents les plus sensibles de la Stasi ayant Ă©tĂ© dĂ©truits dans la prĂ©cipitation Ă  l’automne 1989, certains fonds ne sont toujours pas localisĂ©s ou restent inaccessibles, le parcours du chercheur pouvant alors relever du parcours du combattant. 3Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, plusieurs instances se disputent le monopole de l’élaboration de la comprĂ©hension du passĂ© rĂ©cent de l’Espagne [5]. Dans ce conflit mĂ©moriel, la conservation et la communication des archives constituent un enjeu politique et juridique dans lequel interfĂšrent mĂ©moire, histoire et dĂ©sir de justice [6]. Le but de cet article est d’éclairer une question qui Ă©lectrise le dĂ©bat public outre-PyrĂ©nĂ©es et atteste d’un usage trĂšs politique de l’histoire. Il n’existe pas Ă  notre connaissance d’état des lieux rendant compte de façon exhaustive et dĂ©taillĂ©e de l’état des archives relatives Ă  la guerre civile et au franquisme, trĂšs nombreuses, hĂ©tĂ©rogĂšnes et Ă©parpillĂ©es sur le territoire espagnol [7]. Notre ambition n’est pas de combler cette lacune plus modestement, il s’agit de prĂ©senter une synthĂšse de la littĂ©rature et de la sitographie existantes tout en indiquant quels outils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s pour mieux se repĂ©rer dans le maquis des archives franquistes. Par consĂ©quent, nous dĂ©crirons d’abord les grandes Ă©tapes de la conservation et de la communication de ces documents depuis 1936 Ă  aujourd’hui avant de voir concrĂštement comme les chercheurs-euses peuvent travailler dans ce cadre complexe. Conserver et communiquer les archives la reproduction des divisions de la guerre civile et de la dictature 1936 – annĂ©es 1990 La politique archivistique de la dictature franquiste 4Dans les jours qui suivent le coup d’État du 17-18 juillet 1936, l’Espagne se trouve partagĂ©e en deux, en fonction de l’adhĂ©sion ou non de la population et des autoritĂ©s aux militaires insurgĂ©s ; le conflit va durer prĂšs de trois annĂ©es. Dans le camp franquiste, l’armĂ©e met en place un systĂšme de rĂ©quisition documentaire qui affecte aussi bien le domicile des particuliers que les siĂšges d’institutions et d’organismes jugĂ©s hostiles partis politiques, syndicats, cercles libertaires, organisations antifascistes, loges maçonniques, membres importants du gouvernement rĂ©publicain, etc. [8]. Cette documentation confisquĂ©e archives, livres, photographies, affiches, drapeaux, meubles de loges maçonniques
 constitue une source d’information fondamentale pour organiser la rĂ©pression, qui vise deux ennemis principaux le communisme et la franc-maçonnerie [9]. Créée en avril 1938 au sein du ministĂšre de l’IntĂ©rieur, la DĂ©lĂ©gation d’État pour la rĂ©cupĂ©ration de documents DelegaciĂłn del Estado para la RecuperaciĂłn de Documentos, DERD est chargĂ©e de recueillir, traiter et classer tous les documents susceptibles de fournir des antĂ©cĂ©dents relatifs aux ennemis de l’État » pour les transmettre aux tribunaux militaires [10]. À mesure que les troupes franquistes avancent et conquiĂšrent le Nord et l’Est de l’Espagne, la DERD saisit de façon indiscriminĂ©e les archives des institutions publiques, des partis politiques de gauche et des syndicats, et les regroupe Ă  Salamanque, dans l’ancien Colegio San Ambrosio [11]. Une fois la guerre terminĂ©e, la politique archivistique menĂ©e par la dictature a Ă©tĂ© une politique a minima [12]. D’une part, celle-ci s’est centrĂ©e sur les grands organes de conservation qui avaient Ă©tĂ© mis en place au XIXe siĂšcle, comme les Archives gĂ©nĂ©rales centrales Archivo General Central et les Archives historiques nationales Archivo HistĂłrico Nacional, respectivement situĂ©es Ă  AlcalĂĄ de Henares et Ă  Madrid [13]. D’autre part, on continue de crĂ©er des centres d’archives provinciaux l’équivalent des archives dĂ©partementales françaises, dans la lignĂ©e de ce qui avait Ă©tĂ© entrepris sous la Seconde RĂ©publique. En 1969 naissent les Archives gĂ©nĂ©rales de l’administration, solution d’urgence destinĂ©e Ă  remĂ©dier au problĂšme que reprĂ©sente l’accumulation de milliers de mĂštres linĂ©aires de documentation dans les ministĂšres. Mais l’insuffisance des moyens financiers, qui se traduit notamment par le manque de personnel spĂ©cialisĂ©, entraĂźne une dĂ©gradation du patrimoine archivistique, par ailleurs classĂ© de façon erratique. Cette situation aboutit Ă  un vĂ©ritable chaos documentaire », aggravĂ© par le fait que durant le conflit, une partie des archives du camp rĂ©publicain a Ă©tĂ© dĂ©truite ou emportĂ©e en exil. 5La politique de pillage et de saisie documentaire menĂ©e par la DERD Ă  des fins rĂ©pressives s’inscrit dans l’entreprise d’annihilation physique et symbolique de l’ennemi rĂ©publicain, pourchassĂ© fĂ©rocement durant toutes les annĂ©es 1940. ParallĂšlement Ă  cette vaste entreprise rĂ©pressive dĂ©sormais bien connue des la dictature impose une damnatio memoriae qui pĂšse sur la totalitĂ© du passĂ© rĂ©publicain contraints au silence, les vaincus ont pour obligation d’oublier leur histoire personnelle et collective [14]. Le rĂ©gime construit et impose une interprĂ©tation officielle du conflit dĂšs le mois de juillet 1936, prĂ©sentĂ© comme une entreprise de libĂ©ration du joug du parlementarisme, du communisme et de la franc-maçonnerie. Les politiques mĂ©morielles et les usages propagandistes de l’histoire jouent un rĂŽle fondamental dans la propagande de la dictature, qui tente ainsi de faire oublier son illĂ©galitĂ© et sa violence originelles. L’historiographie officielle livre une version du conflit en tous points opposĂ©s Ă  la celle – tout aussi manichĂ©enne et Ă©pique » – des rĂ©publicains en exil [15]. Dans les annĂ©es 1960, des hispanistes anglais, amĂ©ricains et français remettent en cause l’histoire officielle franquiste en proposant de nouvelles interprĂ©tations de la guerre [16]. Mais ils n’ont pas accĂšs aux archives espagnoles et fondent donc leurs travaux sur la presse, les dĂ©bats parlementaires de la RĂ©publique, les archives diplomatiques, les congrĂšs de l’Internationale communiste, les mĂ©moires ou les tĂ©moignages oraux des leaders rĂ©publicains en exil, des figures du camp franquiste et des tĂ©moins de la guerre. ConfrontĂ© Ă  l’émergence d’une opposition politique, le rĂ©gime tente de rĂ©agir en proposant une histoire plus documentĂ©e, moins explicitement propagandiste un Centre d’études de la guerre civile Centro de estudios de la Guerra Civil est créé en 1965 et confiĂ© Ă  l’historien Ricardo de la Cierva. Dans l’ouvrage qu’il publie en 1969, celui-ci utilise de sources rĂ©publicaines, admet l’existence de crimes dans les deux camps et adopte Ă  l’égard des vaincus un ton moins vindicatif [17]. Jusqu’à la mort du dictateur dans son lit, le 20 novembre 1975, l’accĂšs des aux archives espagnoles reste en tout cas largement restreint. La transition vers un nouveau rĂ©gime archivistique et historiographique ? 6AprĂšs la mort de Franco, la transition vers la dĂ©mocratie se fait dans le cadre institutionnel de la dictature et ne rompt symboliquement pas avec elle [18]. Le caractĂšre pacifique de ce processus doit ĂȘtre garanti par un pacte d’oubli » afin de ne pas rouvrir de blessure fratricide. Pourtant, la question des archives de la guerre civile et du franquisme est posĂ©e Ă  plusieurs reprises. En 1977, une polĂ©mique Ă©clate autour des Ă©vĂ©nements survenus Ă  Guernica, le 26 avril 1937 [19]. La querelle ne porte pas sur le nombre de victimes mais sur la rĂ©alitĂ© mĂȘme du bombardement opĂ©rĂ© par la lĂ©gion Condor, la version officielle prĂ©tendant que la destruction de la ville Ă©tait due Ă  un incendie provoquĂ© par les soldats rĂ©publicains lors de leur retraite. Lors du quarantiĂšme anniversaire du massacre, une assemblĂ©e rĂ©unissant tĂ©moins et historiens demande au gouvernement l’ouverture des archives de la guerre civile, conservĂ©es aux Archives nationales de Salamanque, pour que la lumiĂšre puisse enfin ĂȘtre faite sur l’évĂ©nement. Au dĂ©but de l’annĂ©e 1978, le tout nouveau gouvernement d’Adolfo SuĂĄrez autorise l’un des historiens de la commission officielle Ă  accĂ©der Ă  la documentation, mais sans remettre pour autant en cause l’ancienne version attribuant la responsabilitĂ© du bombardement aux soldats rĂ©publicains. NĂ©anmoins, une impulsion semble donnĂ©e qui se confirme en mai 1979 quelques mois aprĂšs l’adoption d’une nouvelle constitution, les fonds de la DERD entreposĂ©s Ă  Salamanque deviennent une annexe des Archives nationales et sont rĂ©unis dans une section dĂ©nommĂ©e Guerre civile ». L’historien Ángel Viñas clame alors que l’accĂšs ouvert Ă  ces fonds, souvent mal conservĂ©s et ayant fait l’objet de destructions, est dĂ©cisif pour la dĂ©mocratie [20] ». Un lien trĂšs net est ainsi Ă©tabli, qui ressurgira au dĂ©but des annĂ©es 2000, entre d’une part la conservation et la communication des archives et d’autre part la nature du systĂšme politique pour ĂȘtre vĂ©ritable et durable, la transition de la dictature vers la dĂ©mocratie suppose une rupture nĂ©cessaire en matiĂšre de gestion documentaire. Le gouvernement autonome de Catalogne, hĂ©ritier de la Generalitat rĂ©publicaine 1931-1939, ne s’y trompe pas l’une de ses premiĂšres revendications vise Ă  rĂ©cupĂ©rer les documents qui avaient Ă©tĂ© saisis Ă  la fin de la guerre par la DERD et qui Ă©taient conservĂ©s dans l’une des sections des Archives historiques nationales, Ă  Salamanque [21]. Nationalisme catalan contre provincialisme de la vieille Castille, le bras de fer est engagĂ© autour de quarante ans de mĂ©moire historique. » [22] Faut-il rendre Ă  la Catalogne ce butin de guerre », selon les termes du prĂ©sident du gouvernement catalan, Jordi Pujol, ou prĂ©server l’unitĂ© archivistique du fonds castillan ? En 1983, le ministĂšre de la Culture et le gouvernement rĂ©gional catalan parviennent Ă  un accord ces documents, qui reprĂ©sentent un ensemble de 507 cartons d’archives, doivent ĂȘtre microfilmĂ©s pour que les Archives nationales de Catalogne Arxiu Nacional de Catalunya puissent disposer d’une copie. Mais en 1992, seule la moitiĂ© des documents ont Ă©tĂ© microfilmĂ©s et leur copie effectivement transfĂ©rĂ©es en Catalogne. Une polĂ©mique intense clive le pays pour savoir si les papiers de Salamanque » doivent ou non ĂȘtre transfĂ©rĂ©s en Catalogne ; elle va perdurer jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 2010. 7En 1986, l’historien Albert Reig Tapia dĂ©nonce le fait qu’une partie des archives de la guerre civile et du franquisme ait Ă©tĂ© dĂ©truite et dĂ©plore que, de façon gĂ©nĂ©rale, on ne sache toujours pas oĂč se trouvent certains fonds documentaires. L’accĂšs aux archives militaires est alors toujours interdit, officiellement Ă  cause du peu de temps qui s’est Ă©coulĂ© » depuis les Ă©vĂ©nements considĂ©rĂ©s [23]. NĂ©anmoins, malgrĂ© les embĂ»ches qui rendent inĂ©vitablement travaillant sur le franquisme plus » encore, selon les dires de Reig Tapia, la dĂ©cennie 1980 voit la publication des premiers ouvrages sur la guerre civile qui sont fondĂ©s sur des archives espagnoles. Si l’État dĂ©mocratique n’a pas officiellement rompu avec le franquisme, il est dĂ©sormais clair que ce rĂ©gime est enterrĂ© les historiens commencent Ă  l’étudier comme un Ă©pisode clos de l’histoire espagnole [24]. Au cours des annĂ©es 1990, ces recherches connaissent un trĂšs fort dĂ©veloppement ; elles portent notamment sur l’étude de l’antifranquisme et le mouvement ouvrier. Depuis la fin de la dictature, les partis et les syndicats sortant de la clandestinitĂ© ont en effet entrepris de documenter leur mĂ©moire, se lançant dans la collecte et le rassemblement des archives dispersĂ©es Ă  l’étranger. Des structures sont créées pour conserver et valoriser ces fonds, comme la Fondation Pablo-Iglesias pour le Parti socialiste PSOE, la Fondation Francisco Largo Caballero pour l’Union gĂ©nĂ©rale des travailleurs UGT, la Fondation Salvador-Segui pour la ConfĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale du travail CGT ou des centres d’archives rĂ©gionaux pour le syndicat Commissions ouvriĂšres [25]. Elles organisent des rencontres scientifiques et apportent leur soutien Ă  des publications. Dans ce contexte favorable, les Ă©tudes portant sur la rĂ©pression franquiste se multiplient. Les historiens utilisent toutes les sources disponibles dossiers Ordre public » des gouvernements civils, jugements rendus par les tribunaux militaires, accessibles depuis 1997 [26], dossiers nominatifs de dĂ©tenus des prisons, registres des cimetiĂšres municipaux
. Un groupe de de l’universitĂ© de Saragosse, autour de JuliĂĄn Casanova, Ă©tablit ainsi une liste des victimes de la guerre civile en Aragon en croisant les registres des cimetiĂšres avec des sources orales [27]. À la fin des annĂ©es 1990 existe ainsi un socle de connaissances solides sur lequel s’accordent la majoritĂ© des historiens. Pourtant, jusqu’au milieu de la dĂ©cennie, la sociĂ©tĂ© espagnole dans son ensemble ne manifeste pas d’intĂ©rĂȘt particulier pour le rĂ©gime antĂ©rieur » Ă  la dĂ©mocratie. Pour les gouvernements socialistes qui se sont succĂ©dĂ© dans les annĂ©es 1980, dĂ©sireux de montrer qu’ils Ă©taient modernes et tournĂ©s vers le futur, la guerre civile Ă©tait un Ă©vĂ©nement non commĂ©morable » Felipe GonzĂĄlez [28]. Le conflit ainsi que la dictature franquiste sont alors absents du dĂ©bat public. Les choses changent radicalement Ă  la toute fin du XXe siĂšcle. Des archives au service de la dĂ©mocratie » ? Conflits de mĂ©moire et surpolitisation du dĂ©bat public annĂ©es 2000 AccĂšs aux archives, droit Ă  la vĂ©ritĂ© » et dĂ©fense des droits de l’homme » 8En 1999, la commĂ©moration du soixantiĂšme anniversaire de la fin de la guerre civile met en lumiĂšre l’extrĂȘme brutalitĂ© du systĂšme rĂ©pressif du franquisme, qui s’est par exemple exprimĂ©e dans les adoptions illĂ©gales des enfants volĂ©s » Ă  leurs parents rĂ©publicains et confiĂ©s Ă  des institutions religieuses peu regardantes [29]. En octobre 2000, l’ouverture d’une fosse commune Ă  Priaranza del Bierzo, en Castille-et-LĂ©on, a un impact considĂ©rable. Pour Mercedes Yusta Rodrigo, ces os poussiĂ©reux rĂ©vĂ©lant la posture dans laquelle les individus se trouvaient au moment de leur assassinat Ă©meuvent la conscience collective plus que n’importe quel discours politique ou historiographique [30]. L’évĂ©nement, largement mĂ©diatisĂ©, a Ă©tĂ© organisĂ© par l’Association pour la rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire historique ARMH, qui vient d’ĂȘtre créée par Emilio Silva. Le terme de mĂ©moire historique », qui peut paraĂźtre Ă©trange au lecteur -Ă  la lectrice français-e tant il relĂšve de l’oxymore, dĂ©signe en Espagne la mĂ©moire du passĂ© rĂ©cent, c’est-Ă -dire de la guerre civile et de la dictature. L’association estime qu’elle s’est dissipĂ©e dans une amnĂ©sie collective en raison d’une occultation dĂ©libĂ©rĂ©e par les autoritĂ©s politiques [31]. Le mouvement est multiforme phĂ©nomĂšne de rĂ©appropriation mĂ©morielle global, exigence de justice Ă©manant de la sociĂ©tĂ© civile, contestation d’une confiscation symbolique de l’espace public Ă  la gloire des vainqueurs de la guerre sous le franquisme, mais aussi appel Ă  multiplier les cĂ©rĂ©monies publiques de rĂ©paration aux victimes [32]. Ces revendications s’inscrivent dans un contexte plus large, celui du paradigme transnational de la justice transitionnelle et des droits de l’homme. Le discours autour des disparus du franquisme » paraĂźt en effet directement inspirĂ© par les Commissions vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation » mises en place dans plusieurs pays d’AmĂ©rique latine [33]. Le phĂ©nomĂšne envahit le dĂ©bat public, StĂ©phane Michonneau allant jusqu’à parler d’ hypermnĂ©sie » de la sociĂ©tĂ© espagnole. Plusieurs facteurs contribuent Ă  cette rĂ©surgence mĂ©morielle l’instrumentalisation du souvenir de la guerre civile par les partis politiques durant la campagne des Ă©lections lĂ©gislatives de 1996 ; l’usure de la transition dĂ©mocratique, Ă©claboussĂ©e par de nombreux cas de corruption ; le sentiment d’urgence ressenti par de nombreux survivants de la guerre et de la dictature, dĂ©sireux de mener un dernier combat contre le franquisme en dĂ©fendant leurs droits ; la montĂ©e des revendications victimaires enfin, qui coĂŻncident en partie avec ce que l’historienne Annette Wieviorka a dĂ©nommĂ© l’ùre des tĂ©moins [34] ». 9Le dĂ©bat sur la mĂ©moire historique » est largement relayĂ© par les mĂ©dias et s’immisce dans le dĂ©bat politique, qu’il contribue Ă  cliver plus encore. Il porte notamment sur la question des archives, rĂ©veillant par exemple l’affaire des papiers de Salamanque ». Le transfert effectif des archives vers la Catalogne n’est toujours pas intervenu. Le maire de Salamanque, JuliĂĄn Lanzarote Parti populaire, droite, s’y oppose toujours, allant mĂȘme rebaptiser la rue dans laquelle se trouvent les Archives historiques nationales Rue de la spoliation » [35]. AprĂšs de multiples rebondissements, la documentation est acheminĂ©e en Catalogne en janvier 2006, deux ans aprĂšs la victoire aux Ă©lections lĂ©gislatives des socialistes emmenĂ©s par JosĂ© Luis RodrĂ­guez Zapatero. Au-delĂ  de cet Ă©pisode symptomatique des crispations et des mĂ©moires divisĂ©es de la sociĂ©tĂ© espagnole, un lien net est Ă©tabli par les associations entre accĂšs Ă  la documentation et dĂ©fense de la dĂ©mocratie. La question des archives de la rĂ©pression » est ainsi un problĂšme social qui dĂ©passe les limites de l’archivistique » pour l’archiviste Alonso GonzĂĄlez Quintana, chargĂ© de rĂ©diger un rapport consacrĂ© au traitement des archives dans divers pays ayant connu des gouvernements militaires de 1974 Ă  1994, les archives des organes rĂ©pressifs des gouvernements dictatoriaux doivent ĂȘtre conservĂ©es pour faciliter les processus de transition politique et garantir les droits individuels et collectifs des citoyens [36] ». En 2002, Emilio Silva, le prĂ©sident de l’ARMH, dĂ©plore pour sa part qu’il existe encore en Espagne des milliers de documents, en grande partie sous juridiction militaire, qui ne peuvent ĂȘtre Ă©tudiĂ©s [37] ». L’une des revendications que son association prĂ©sente au gouvernement concerne d’ailleurs les archives outre la prise en charge par les autoritĂ©s de l’exhumation et de l’identification des corps, le retrait de tous les monuments franquistes, elle demande la numĂ©risation de la documentation relative Ă  la guerre civile et Ă  l’aprĂšs-guerre afin de rendre plus aisĂ©e sa consultation [38]. Plus largement, au dĂ©but des annĂ©es 2000, la question de la collecte et de l’accĂšs aux archives est Ă©voquĂ©e dans tous les dĂ©bats parlementaires consacrĂ©s aux victimes de la rĂ©pression franquiste. C’est par exemple le cas lors de la session du 20 novembre 2002, au cours de laquelle les Cortes condamnent le soulĂšvement militaire du 17 juillet 1936. Felipe Alcaraz Massats, du parti Gauche unie, demande alors que les archives de la guerre civile soient numĂ©risĂ©es ; Alfonso Guerra, du Parti socialiste, souhaite pour sa part que l’on aide les associations d’exilĂ©s Ă  collecter et Ă  rassembler leurs archives. À la suite d’intenses dĂ©bats, un texte emblĂ©matique de l’action menĂ©e par le gouvernement Zapatero qui, parmi d’autres mesures phares, ordonne le retrait des troupes espagnoles d’Irak et l’inscription dans la loi du mariage homosexuel est adoptĂ© le 10 dĂ©cembre 2007, malgrĂ© l’opposition du Parti populaire la Loi dite de mĂ©moire historique Ley de Memoria HistĂłrica [39]. Elle dĂ©clare illĂ©gitimes les condamnations et les sanctions prononcĂ©es contre les victimes de la rĂ©pression franquiste, accorde des pensions aux orphelins de prisonniers, aux travailleurs forcĂ©s et aux enfants de la guerre », incite les autoritĂ©s locales Ă  retirer de la voie publique les monuments commĂ©moratifs franquistes
 Les articles 20 Ă  22 de ce texte traitent spĂ©cifiquement de la question des archives. Un Centre documentaire de la mĂ©moire historique » est ainsi créé Ă  Salamanque, qui englobe les Archives gĂ©nĂ©rales de la guerre civile. Sa mission est de collecter et de classer tous les documents relatifs au conflit de 1936-1939 et Ă  la rĂ©pression politique qui a suivi, qui sont conservĂ©s dans les musĂ©es, les bibliothĂšques et les centres d’archives dĂ©pendant de l’État et dont ceux-ci [doivent garder] une copie numĂ©rique ». La loi garantit Ă©galement l’accĂšs du citoyen aux fonds conservĂ©s dans les centres d’archives publics. 10La demande des associations, des victimes et de leurs descendants d’accĂ©der plus facilement aux archives de la dictature est, en partie au moins, entendue par les pouvoirs publics. Ceux-ci crĂ©ent des outils destinĂ©s Ă  faciliter la recherche d’informations. Le portail intitulĂ© MĂ©moire historique » rassemble par exemple toutes les donnĂ©es relatives Ă  la guerre civile et au franquisme qui sont jugĂ©es utiles pour le citoyen ; ces donnĂ©es sont accessibles en cliquant sur des onglets tels que carte des fosses communes », rĂ©parations », subventions », archives »  Eduardo GonzĂĄlez Calleja souligne que, dans ce champ de bataille culturel et politique » qu’est devenue la mĂ©moire historique » en Espagne, l’initiative est venue de la sociĂ©tĂ© civile et non des historiens [40]. Le dĂ©placement vers le juridique a encouragĂ© la tendance consistant Ă  prĂ©senter les personnes exĂ©cutĂ©es ou mortes dans les camps comme des victimes » le ministĂšre de la Culture a ainsi constituĂ© et mis Ă  disposition une base de donnĂ©es intitulĂ©e Victimes de la guerre civile et de la rĂ©pression franquiste » [41]. Le terme de victimes » est pourtant problĂ©matique puisqu’il efface la dimension idĂ©ologique et politique pourtant fondamentale de l’action menĂ©e par les personnes concernĂ©es pendant les annĂ©es 1930 [42]. La place des historiens dans la guerre mĂ©morielle » C. Boyd 11L’un des objectifs de la Loi de mĂ©moire historique est de favoriser la recherche scientifique sur la guerre civile, le franquisme, l’exil des dĂ©mocratiques et la transition dĂ©mocratique, de contribuer Ă  sa diffusion et de soutenir les en octroyant bourses et prix article 20. De fait, ce texte a un impact direct sur le travail des historiens dans la mesure oĂč il induit des budgets nouveaux pour la recherche et suscite des collaborations nouvelles entre les facultĂ©s d’histoire et la sociĂ©tĂ© civile [43]. Ainsi, une chaire de MĂ©moire historique du XXe siĂšcle » est créée en 2004 Ă  l’universitĂ© Complutense de Madrid, au terme d’un accord signĂ© avec l’Association pour la mĂ©moire sociale et dĂ©mocratique qui a Ă©tĂ© ensuite Ă©tendu Ă  des fondations partisanes, la Fondation du 1er mai liĂ©e au syndicat Commissions ouvriĂšres et la Fondation Francisco Largo Caballero [44]. La volontĂ© est alors trĂšs claire d’apporter une rĂ©ponse universitaire Ă  la trĂšs forte demande sociale en organisant sĂ©minaires, journĂ©es d’études, expositions
 NĂ©anmoins, cette insertion dans le champ social, politique et mĂ©moriel ne va pas sans mal, comme le montre la polĂ©mique qui s’est rĂ©cemment cristallisĂ©e autour des liens entre la mairie de Madrid et la chaire de MĂ©moire historique » de l’universitĂ© Complutense. Celle-ci avait Ă©tĂ© chargĂ©e par Manuela Carmena Ă©lue en juin 2015 avec le soutien de Podemos d’établir une liste des noms de rue de la capitale devant ĂȘtre modifiĂ©s pour ne plus cĂ©lĂ©brer de franquistes notoires [45]. 12 Si les associations de rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire historique » ont affirmĂ© ĂȘtre les premiĂšres Ă  rĂ©vĂ©ler une vĂ©ritĂ© jusque-lĂ  occultĂ©e, force est de constater qu’un nombre important de travaux historiques portant sur la rĂ©pression franquiste avaient dĂ©jĂ  Ă©tĂ© publiĂ©s. Les historiens travaillaient en effet depuis les annĂ©es 1990 sur cette question, devenue un objet majeur de la recherche, en utilisant des sources diverses registres de dĂ©cĂšs ; archives des juridictions militaires, des camps de concentration, des camps de travail, des prisons [46]
 Les archives des juridictions ordinaires Ă©taient Ă©galement utilisĂ©es, par exemple par Conxita Mir CurcĂł dans son Ă©tude sur les campagnes de LĂ©rida Catalogne qui rĂ©vĂšle que le franquisme Ă©tait aussi un systĂšme de pouvoir s’appuyant sur la participation des individus [47]. Ces travaux d’histoire sociale de la rĂ©pression ont ouvert un nouveau front historiographique, s’intĂ©ressant Ă  la vie ordinaire des Espagnols sous le franquisme. Ils sont le fait d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’historiens, nĂ©s et ayant grandi sous la dĂ©mocratie, en gĂ©nĂ©ral originaires d’universitĂ©s situĂ©s dans des rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques » Catalogne notamment [48]. Ces chercheurs sont dĂ©sireux de bĂątir une histoire par en bas » du franquisme ; ils attachent une grande importance aux sources orales et mettent Ă  profit les archives municipales et dĂ©partementales de la rĂ©gion de laquelle ils sont originaires [49]. Dans ce contexte, on ne compte plus les ouvrages portant sur la rĂ©pression menĂ© par le camp national » et la dictature dans les diffĂ©rentes provinces espagnoles, qui rĂ©pondent Ă  ceux qui Ă©manent des centres d’archives locaux [50]. Pourtant, pour Mercedes Yusta Rodrigo, la vague mĂ©morielle qui a inondĂ© l’Espagne depuis les annĂ©es 2000 peut s’expliquer par l’insatisfaction ressentie par de nombreux survivants et par leurs descendants qui ne trouvent pas dans le discours hĂ©gĂ©monique sur le passĂ© rĂ©cent le rĂ©cit de leur » histoire et de leur » expĂ©rience, ou alors de façon trop impersonnelle. Cette frustration tiendrait notamment au fait que les historiens avaient longtemps dĂ©laissĂ© les sources orales en dĂ©lĂ©guant aux associations la tĂąche de collecter la parole des victimes, chargĂ©es par ailleurs par l’État de mener les exhumations [51]. Comment travailler dans ce cadre complexe ? État des lieux des sources disponibles Une ouverture en trompe-l’Ɠil des obstacles toujours nombreux 13La Loi de mĂ©moire historique prĂ©conisait, comme nous l’avons vu, une meilleure organisation et une plus grande accessibilitĂ© des fonds d’archives relatifs Ă  la guerre civile et au franquisme. Force est de constater que malgrĂ© des progrĂšs notables, il y a encore loin de la thĂ©orie Ă  la pratique. La documentation est souvent tellement dispersĂ©e, parcellaire, mal cataloguĂ©e ou mĂȘme non localisable que ou la chercheuse a le sentiment d’errer dans un vĂ©ritable maquis. L’auteure de ce texte a ainsi consacrĂ© une annĂ©e entiĂšre Ă  tenter de localiser la documentation des maisons de redressement sur lesquelles portait son travail de thĂšse, apprenant qu’ici elle avait brĂ»lĂ© ou Ă©tait Ă©garĂ©e, que lĂ  elle avait Ă©tĂ© emportĂ©e Ă  l’étranger par la congrĂ©gation religieuse chargĂ©e de la gestion de l’institution [52]. François Godicheau raconte, quant Ă  lui, qu’au dĂ©but des annĂ©es 1990, aux archives de Salamanque, avait Ă  sa disposition plusieurs volumes dĂ©crivant de maniĂšre trĂšs succincte et souvent complĂštement erronĂ©e le contenu des milliers de cartons qui constituaient les fonds. NĂ©anmoins, il s’agissait d’une aubaine fantastique » pour un dĂ©butant enthousiaste que ne rebutait pas l’ouverture au hasard d’un important volume de cartons [53]. Les difficultĂ©s d’accĂšs et de consultation des archives de la guerre civile et du franquisme sont telles qu’Internet fourmille de sites Ă©manant d’associations liĂ©es au mouvement de la mĂ©moire historique » qui proposent un vademecum destinĂ© aux particuliers souhaitant retrouver la trace d’un proche [54]. Le but est pratique OĂč chercher ? Par oĂč commencer ?” [55] ». La FĂ©dĂ©ration nationale des Forums pour la mĂ©moire propose ainsi un Guide pour la recherche des personnes disparues et victimes de la rĂ©pression pendant la guerre civile et l’aprĂšs-guerre, tĂ©lĂ©chargeable en PDF sur son site internet long de 25 pages, ce document prĂ©sente les normes de consultation des archives et les diffĂ©rents fonds dans lesquels les victimes ou leurs descendants pourront trouver des informations archives militaires, judiciaires, des prisons franquistes, administratifs [56]. Guide pour la recherche des personnes disparues et victimes de la rĂ©pression pendant la guerre civile et l’aprĂšs-guerre. © Droits rĂ©servĂ©s. Guide pour la recherche des personnes disparues et victimes de la rĂ©pression pendant la guerre civile et l’aprĂšs-guerre. © Droits rĂ©servĂ©s. 14 Les autoritĂ©s elles-mĂȘmes consentent parfois Ă  reconnaĂźtre l’ampleur des difficultĂ©s. En 2004, une Commission interministĂ©rielle pour l’étude de la situation des victimes de la guerre civile et du franquisme » est dĂ©signĂ©e par le gouvernement de JosĂ© Luis Rodriguez Zapatero pour Ă©tudier la situation dans laquelle se trouvent les archives relatives Ă  cette question [57]. Elle dĂ©crit une situation fort peu reluisante la documentation, d’un volume considĂ©rable, est largement dispersĂ©e et est loin d’ĂȘtre cataloguĂ©e les instruments de description sont incomplets ou inexistants. La consultation des documents est encadrĂ©e par la Loi sur le patrimoine historique espagnol, qui prĂ©voit un dĂ©lai de consultation de 50 ans si les archives contiennent des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel [58]. Pourtant, les obstacles sont frĂ©quents, qui tiennent Ă  une organisation insuffisante des fonds et au manque de personnel, provoquant de nombreuses plaintes et rĂ©clamations. Pour l’historien Santos JuliĂĄ, l’État aurait dĂ» accorder plus de moyens aux bibliothĂšques et aux archives plutĂŽt que de privatiser la mĂ©moire des victimes en confiant aux familles et aux associations les tĂąches de recherche, de localisation et d’identification des dĂ©pouilles [59]. 15 Dans ce contexte, les conditions de travail diffĂšrent fortement en fonction de la rĂ©gion dans laquelle on mĂšne ses recherches elles sont ainsi trĂšs bonnes en Catalogne, oĂč l’engagement financier des collectivitĂ©s rĂ©pond Ă  une demande mĂ©morielle importante de la sociĂ©tĂ©. Au niveau central, les Archives gĂ©nĂ©rales de l’administration AGA, situĂ©e Ă  AlcalĂĄ de Henares, dans les environs de Madrid, sont submergĂ©es par les archives des diffĂ©rents ministĂšres. Celui du Travail et des affaires sociales, par exemple, doit conserver entre ses murs des mĂštres linĂ©aires de documentation en attendant que celle-ci puisse ĂȘtre transfĂ©rĂ©e et traitĂ©e Ă  l’AGA. En juin 2015, une protestation collective est Ă©mise par la plateforme Commission pour la vĂ©ritĂ© », dont font par exemple partie l’Association nationale des archivistes, des bibliothĂ©caires, des archĂ©ologues et des documentalistes ANABAD et les Fondations 1er Mai et Francisco Largo Caballero. Son slogan affirme qu’ il n’y a pas de transparence sans archives, et d’archives sans archivistes ». Afin de faire la lumiĂšre sur le passĂ© rĂ©cent de l’Espagne et de garantir un fonctionnement dĂ©mocratique, les services d’archives doivent ĂȘtre dotĂ©s de moyens leur permettant de fonctionner et de garantir l’accĂšs des citoyens Ă  la documentation qu’ils conservent [60]. Ce manque de moyens structurel, qui a des effets considĂ©rables sur le quotidien des se double de façon plus ponctuelle de dĂ©cisions idĂ©ologiques pour le moins contestables. Que dire par exemple de la dĂ©cision prise en Conseil des ministres le 15 octobre 2010, classifiant les archives du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres au motif que leur consultation pouvait porter atteinte Ă  la sĂ©curitĂ© de l’État mais qui n’a pas Ă©tĂ© publiĂ©e au Journal officiel et n’a jamais Ă©tĂ© justifiĂ©e par l’administration [61] ? MalgrĂ© la protestation Ă©mise par un collectif rassemblant trois cents historiens originaires de dix-sept pays diffĂ©rents [62], il est devenu impossible d’accĂ©der Ă  la totalitĂ© des archives diplomatiques de la Seconde Guerre mondiale c’est un archiviste qui, au vu de la demande de l’usager, sĂ©lectionne drastiquement la documentation qui lui paraĂźt pertinente et consultable. Enfin, certains fonds restent peu accessibles la tel celui de la Fondation nationale Francisco Franco. Cette institution, créée en 1976 pour conserver les archives personnelles du dictateur et faire connaĂźtre [sa] mĂ©moire et [son] Ɠuvre », est toujours prĂ©sidĂ©e par sa fille, Carmen Franco Polo [63]. Les 30 000 documents qu’elle possĂšde, dans un appartement meublĂ© Ă  la gloire du dictateur, sont accessibles la Ă  partir d’un seul poste de consultation et sans qu’aucun inventaire n’ait prĂ©alablement Ă©tĂ© mis Ă  sa disposition [64]. Aperçu des fonds d’archives accessibles 16Il serait impossible de rendre compte ici de la totalitĂ© des fonds d’archives relatifs Ă  la guerre civile et au franquisme, estimĂ© au milieu des annĂ©es 2000 Ă  765 par la Commission interministĂ©rielle pour l’étude de la situation des victimes de la guerre civile et du franquisme ». Nous renvoyons au rapport rĂ©digĂ© par celle-ci, relativement dĂ©taillĂ© mais portant essentiellement sur la documentation touchant Ă  la rĂ©pression [65]. Nous souhaiterions nĂ©anmoins signaler ici quelques-uns des outils pouvant faciliter le travail des Les plus prĂ©cieux proposent des bases de donnĂ©es permettant de localiser les documents conservĂ©s dans les centres d’archives publics espagnols et latino-amĂ©ricains [66] le Portail des archives espagnoles » PARES [67] et le Guide des archives espagnoles et latino-amĂ©ricaines » [68]. 17 La rubrique archives » du portail MĂ©moire historique », hĂ©bergĂ© par le gouvernement espagnol, indique quant Ă  elle dans quels fonds d’archives le citoyen peut rechercher des informations relatives aux victimes de la guerre civile et de la dictature [69]. Ceux-ci peuvent dĂ©pendre tant des ministĂšres de la Culture, de l’IntĂ©rieur, de l’Économie et des Administrations publiques que de la DĂ©fense [70]. Rubrique archives » du portail MĂ©moire historique », hĂ©bergĂ© par le gouvernement espagnol. © Droits rĂ©servĂ©s. Rubrique archives » du portail MĂ©moire historique », hĂ©bergĂ© par le gouvernement espagnol. © Droits rĂ©servĂ©s. 18 Sont ainsi recensĂ©s tous les fonds d’archives et les ressources documentaires mis Ă  disposition de l’usager par le ministĂšre de la Culture, parmi lesquels 19 le Centre documentaire de la mĂ©moire historique » Centro Documental de la Memoria HistĂłrica situĂ© Ă  Salamanque, il a pour mission de rĂ©unir et de rendre accessibles tous les fonds archivistiques et bibliographiques relatifs Ă  la guerre civile, Ă  la dictature et Ă  la transition politique [71]. Notons qu’une partie des inventaires des fonds d’archives sont consultables sur internet [72] ; Les affiches de la guerre civile espagnole » [73] collection rassemblant 2 280 affiches Ă©manant des deux camps, conservĂ©es au Centre documentaire de la mĂ©moire historique ; Militaires et membres des forces de l’ordre public de la Seconde RĂ©publique » [74] base de donnĂ©es recensant les noms de plus de 350 000 personnes ayant combattu dans les rangs de l’armĂ©e rĂ©publicaine. Il est possible de rĂ©aliser une recherche Ă  partir des deux noms de famille et du prĂ©nom de la personne concernĂ©e [75] ; les Archives rouges » [76] fonds contenant quelque 3 000 photographies commandĂ©es pendant le conflit par la Junte de Madrid pour dĂ©noncer les dĂ©sastres de la guerre civile » ; le Portail des mouvements migratoires ibĂ©ro-amĂ©ricains [77] » base de donnĂ©es relatives Ă  l’émigration espagnole vers les pays latino-amĂ©ricains. 20PrĂ©sentons pour terminer deux fonds d’archives spĂ©cifiques qui, tous deux, illustrent l’une des principales tendances historiographiques, Ă©voquĂ©es plus haut, Ă©tudiant la rĂ©pression franquiste en se focalisant sur les individus. Les Archives des Brigades internationales 21En 1995 est créée l’Association des amis des Brigades internationales, dĂ©sireux de rĂ©cupĂ©rer la mĂ©moire historique [de l’organisation] en rĂ©unissant, en organisant et en conservant le plus de sources possibles, que celles-ci soient Ă©crites ou orales, afin de documenter le rĂŽle jouĂ© par les Brigades durant la guerre civile [78] ». Il s’agit notamment de susciter et de recueillir les dons de particuliers, ainsi que d’enregistrer le tĂ©moignage d’anciens brigadistes. En 1998 est ainsi créé le Centre d’études et de documentation des Brigades internationales CEDOBI, hĂ©bergĂ© par les Archives provinciales d’Albacete [79]. Le site internet du centre, clair et relativement bien construit met Ă  la disposition du grand public de nombreux outils. Dans une rubrique archives », on trouvera ainsi des inventaires dĂ©taillĂ©s des documents contenus dans les diffĂ©rents fonds documentaires ainsi qu’un nombre important de ressources digitales, tels que des entretiens rĂ©alisĂ©s avec d’anciens brigadistes. Les Archives du Parti communiste espagnol PCE [80] 22 L’histoire de ce fonds reflĂšte le destin du camp rĂ©publicain Ă  la fin de la guerre civile dĂšs le mois de dĂ©cembre 1938 se pose le problĂšme de la sauvegarde de la documentation du parti, face Ă  l’avancĂ©e inexorable des troupes franquistes. Au mois de janvier 1939, le secrĂ©taire du ComitĂ© central, Pedro Checa, donne l’ordre d’évacuer les archives de la ville de Barcelone, les franquistes ayant pĂ©nĂ©trĂ© en Catalogne. Les archives sont transportĂ©es Ă  Figueras puis en France entre le 6 et le 8 fĂ©vrier, oĂč elles sont finalement dĂ©couvertes par des gendarmes français. Au mĂȘme moment, Lucio Santiago reçoit l’ordre de dĂ©truire la documentation qui se trouve toujours Ă  Madrid. Les archives qui ne sont ni dĂ©truites, ni envoyĂ©es en France seront saisies par la DERD. Ainsi, Ă  la fin de la guerre, les seuls documents qui restent sont ceux de l’Internationale communiste ou ceux qui avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă  Moscou durant la guerre. En septembre 1950, le ministre de l’IntĂ©rieur français, Jules Moch, dĂ©clare le PCE illĂ©gal et ordonne l’arrestation de ses cadres une partie de la documentation restĂ©e sur le sol français est microfilmĂ©e dans la prĂ©cipitation et transfĂ©rĂ©e en TchĂ©coslovaquie, en Roumanie et en URSS. En 1977, lorsque le PCE est Ă  nouveau lĂ©galisĂ© en Espagne, il tente de rassembler toute la documentation restante pour ce faire, les Archives historiques du PCE sont créées en 1980 [81]. Le fonds, parcellaire, est de consultation difficile puisqu’il a Ă©tĂ© constituĂ© sans que ne prĂ©vale une logique de classement archivistique ; par ailleurs, les informations envoyĂ©es par les membres de l’intĂ©rieur » se trouvant en Espagne Ă  l’étranger pendant la dictature sont souvent codĂ©es. Notons qu’aucun instrument de consultation du catalogue n’est accessible sur internet. Site Internet des archives du Parti communiste espagnol. © Droits rĂ©servĂ©s. Site Internet des archives du Parti communiste espagnol. © Droits rĂ©servĂ©s. 23 Le cas du franquisme est un exemple emblĂ©matique des enjeux politiques, juridiques et mĂ©moriels que les archives peuvent prĂ©senter. Les difficultĂ©s entourant leur conservation et leur communication depuis la transition dĂ©mocratique, voire depuis 1936, attestent d’une mĂ©moire divisĂ©e de l’histoire rĂ©cente de l’Espagne et du maintien d’un usage trĂšs politique de celle-ci. L’affaire des papiers de Salamanque » est significative dans la mesure oĂč, en janvier 2013 encore, le Tribunal constitutionnel a rejetĂ© la demande prĂ©sentĂ©e par le gouvernement rĂ©gional de Castille-et-LĂ©on, qui ne cessait de rĂ©clamer le retour des archives Ă  Salamanque au titre de la nĂ©cessaire cohĂ©sion du fonds documentaire. La permanence des tensions entourant la gestion des archives, l’hypermnĂ©sie » qui touche l’Espagne depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, le ton toujours polĂ©mique des dĂ©bats et le durcissement des clivages historiographiques tendent Ă  montrer que la mĂ©moire de la guerre civile et de la dictature ne cesse de reproduire les divisions du conflit lui-mĂȘme [82]. Ces questions ne sont pas spĂ©cifiques Ă  l’Espagne, mais le dĂ©calage chronologique vis-Ă -vis des autres pays europĂ©ens frappe ; il s’explique probablement par le fait que dans ce pays, la guerre contre les fascismes europĂ©ens y a Ă©tĂ© perdue. Tandis qu’ailleurs on a mis en place, aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, des mĂ©canismes juridiques de reconnaissance des victimes, c’est ici l’État franquiste qui a opĂ©rĂ© de cette façon au bĂ©nĂ©fice des caĂ­dos » les martyrs » tombĂ©s dans le camp franquiste et ensuite cĂ©lĂ©brĂ©s par la dictature et contre la terreur rouge ». En Espagne, la question du rĂšglement des comptes du passĂ© se pose ainsi de façon rĂ©currente [83]. Notes [1] Javier Cercas, L’imposteur roman, traduit par Elisabeth Beyer et traduit par Aleksandar Grujičić, Arles, Actes Sud, 2015. [2] [3] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, juillet-septembre 2015, n° 127, no 3, p. 13-41. [4] Antonio GonzĂĄlez Quintana, PolĂ­ticas archivĂ­sticas para la defensa de los derechos humanos actualizaciĂłn y ampliaciĂłn del informe elaborado para la UNESCO y el Consejo Internacional de Archivos 1995 sobre gestiĂłn de los archivos de los servicios de seguridad del estado de los desaparecidos regĂ­menes represivos, Santiago de Compostela, FundaciĂłn 10 de Marzo, 2009. [5] L’histoire acadĂ©mique, le mouvement association dit de la rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire historique » et un rĂ©visionnisme nĂ©o-franquiste rivalisent. Mercedes Yusta Rodrigo, El pasado como trauma Historia, memoria y "recuperaciĂłn de la memoria histĂłrica" en la España actual », Pandora. Revue d’études hispaniques, 2014, no 12, p. 23-41. [6] GeneviĂšve Dreyfus-Armand, Les traces archivĂ©es du passĂ© enjeux de mĂ©moire », MatĂ©riaux pour l’histoire de notre temps, 2003, vol. 70, no 1, p. 84-86. [7] En revanche, les descriptions des diffĂ©rents fonds d’archives abondent, que ceux-ci soient provinciaux et rĂ©gionaux. [8] Maria JosĂ© TurriĂłn GarcĂ­a, Les archives de la guerre civile espagnole », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, 2015, no 127, p. 269-271. [9] Antonio GonzĂĄlez Quintana, Fuentes para el estudio de la represiĂłn franquista en el Archivo HistĂłrico Nacional, SecciĂłn Guerra Civil », Espacio, tiempo y forma. Serie V, Historia contemporĂĄnea, 1994, no 7, p. 479-508. ; Maria JosĂ© TurriĂłn GarcĂ­a, La biblioteca de la SecciĂłn Guerra Civil del Archivo histĂłrico Nacional Salamanca », BoletĂ­n de la ANABAD, 1997, vol. 47, no 2, p. 89-114. [10] Decreto creando la DelegaciĂłn del Estado para RecuperaciĂłn de Documentos », BoletĂ­n Oficial del Estado, n° 553, 27/04/1938, p. 6 986-6 987. [11] Il s’agit du siĂšge actuel du Centre documentaire de la mĂ©moire historique qui, comme nous le verrons, rassemble dĂ©sormais une grande partie des archives relatives Ă  la guerre civile. [12] Cette politique archivistique est rĂ©gie par un texte datant de 1901 et retouchĂ© en 1948 Reglamento de RĂ©gimen y Gobierno de los Archivos del Estado, aprobado en 1901 » et Decreto de 24 de julio, de 1947, sobre OrdenaciĂłn de los Archivos y Bibliotecas y del Tesoro histĂłrico-documental y bibliogrĂĄfico ». Mariona Corominas Noguera, Los archivos en el rĂ©gimen franquista la memoria histĂłrica de una etapa polĂ­tica », Entelequia revista interdisciplinar, 2008, no 7, p. 281-299. [13] Il s’agissait notamment de conserver et de classer les documents ecclĂ©siastiques et monastiques saisis dans le cadre de la politique de dĂ©samortissement », qui consistait Ă  mettre aux enchĂšres publiques des terres et des biens improductifs pour permettre l’augmentation de la richesse nationale et la constitution d’une bourgeoisie et d’une classe moyenne de travailleurs propriĂ©taires. Cf. Luis Miguel de la Cruz Herranz, Panorama de los archivos españoles durante el siglo XIX y primer tercio del siglo XX », dans Generelo Lanaspa JosĂ© Juan, Moreno LĂłpez Ángeles et Alberch i Fugueras Ramon eds., Historia de los archivos y de la ArchivĂ­stica en España, Valladolid, Universidad de Valladolid, Secretariado de Publicaciones e Intercambio Editorial, 1998, p. 119-160. [14] Eduardo GonzĂĄlez Calleja, "RĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire" et lĂ©gislation en Espagne. Chronique des controverses politiques et acadĂ©miques », MatĂ©riaux pour l’histoire de notre temps, mai 2014, n° 111-112, no 3, p. 5-16. [15] Le dĂ©veloppement suivant est empruntĂ© Ă  Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », art. cit. [16] L’ouvrage le plus connu est celui de Hugh Thomas, The Spanish Civil War, Reprint., London, Eyre & Spottiswoode, 1961. [17] Ricardo de la Cierva, Historia de la guerra civil española, Madrid, San MartĂ­n, 1969. [18] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », art. cit. [19] François Godicheau, La guerre civile espagnole, enjeux historiographiques et patrimoine politique », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, juillet-septembre 2015, n °127, no 3, p. 59-75. [20] Ángel Viñas vient d’intervenir dans un colloque qui se tient Ă  Madrid, intitulĂ© Los archivos para la historia del siglo XX ». Los archivos del franquismo, decisivos para la democracia », El PaĂ­s, 17/11/1979. [21] Walther L. Bernecker, Los papeles de la discordia la polĂ©mica en torno al Archivo de la Guerra Civil », 2007, p. 25-44 ; MarĂ­a Monjas Eleta, El tratamiento informativo del traslado de documentos del Archivo de la Guerra Civil de Salamanca a Cataluña en El Norte de Castilla y El Mundo de Castilla y LeĂłn », dans SalomĂ© Berrocal Gonzalo dir., Periodismo polĂ­tico nuevos retos, nuevas prĂĄcticas actas de las comunicaciones presentadas en el XVII Congreso Internacional de la SEP, 5 y 6 de mayo de 2011, Valladolid, universitĂ© de Valladolid, 2011, p. 709-731 [22] [23] C’est la rĂ©ponse formulĂ©e par la hiĂ©rarchie militaire Ă  la demande de l’historien visant Ă  obtenir l’accĂšs Ă  certains fonds d’archives. Francisco Espinosa Maestre, Tiempo de historia, tiempo de memoria El fenĂłmeno de la "memoria histĂłrica" en España 1996-2010 », Pliegos de Yuste. Revista de cultura y pensamiento europeos, 2010, no 11, p. 13-16. [24] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », art. cit. [25] Comisiones obreras est une confĂ©dĂ©ration syndicale créée clandestinement dans les annĂ©es 1960 par le Parti communiste espagnol et des militants catholiques opposĂ©s au rĂ©gime pour proposer une alternative aux seuls syndicats autorisĂ©s, dits verticaux », qui mĂȘlaient travailleurs et patrons. Cf par exemple Ruiz GonzĂĄlez David dir., Historia de Comisiones Obreras 1958-1988, Barcelone, Siglo XXI de España Editores, 1994. [26] Eduardo GonzĂĄlez Calleja, "RĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire" et lĂ©gislation en Espagne. Chronique des controverses politiques et acadĂ©miques », art. cit. [27] JuliĂĄn Casanova, El pasado oculto fascismo y violencia en AragĂłn 1936-1939, 1a ed., Madrid, Siglo XXI de España, 1992. [28] M. Yusta Rodrigo, El pasado como trauma », art. cit. [29] StĂ©phane Michonneau, Espagne. Les fantĂŽmes de la guerre civile et du franquisme », art. cit. [30] M. Yusta Rodrigo, El pasado como trauma », art. cit. [31] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Les historiens pris dans les conflits de mĂ©moire », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, juillet-septembre 2015, n° 127, no 3, p. 3-12. [32] Danielle Rozenberg, MĂ©moire, justice et... raison d’État dans la construction de l’Espagne dĂ©mocratique », HistoirePolitique, [en ligne], septembre-octobre 2007, n° 2, . [33] L’expression de mĂ©moire historique » y dĂ©signe l’histoire des victimes par opposition Ă  celle des bourreaux. M. Yusta Rodrigo, El pasado como trauma », art. cit. [34] S. Michonneau, Espagne. Les fantĂŽmes de la guerre civile et du franquisme », art. cit. [35] La rue ne retrouvera son nom initial rue de Gibraltar » qu’en 2011. [36] A. GonzĂĄlez Quintana, Los archivos de la represiĂłn en los procesos de transiciĂłn polĂ­tica dimensiĂłn de un problema social que supera los lĂ­mites de la archivĂ­stica, Buenos Aires, 1997 [ [37] Emilio Silva, Les tĂąches qu’il reste Ă  faire », El PaĂ­s, 15/12/2002. 15 dĂ©cembre 2002, consultĂ© le 13 janvier 2016. [38] GeneviĂšve Dreyfus-Armand, Les traces archivĂ©es du passĂ© », art. cit. [39] Ley 52/2007, de 26 de diciembre, por la que se reconocen y amplĂ­an derechos y se establecen medidas en favor de quienes padecieron persecuciĂłn o violencia durante la guerra civil y la dictadura”, BOE n° 310, 27/12/2007, pp. 53 410-53 416. [40] E. GonzĂĄlez Calleja, "RĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire" et lĂ©gislation en Espagne. Chronique des controverses politiques et acadĂ©miques », art. cit. [41] [42] Sophie Baby, Sortir de la guerre civile Ă  retardement le cas espagnol », Histoire Politique, [en ligne], novembre-dĂ©cembre 2007, no 3, ; Sophie Baby, VĂ©ritĂ©, justice, rĂ©paration de l’usage en Espagne de principes internationaux », MatĂ©riaux pour l’histoire de notre temps, 21 mai 2014, n° 111-112, no 3, p. 25-33. [43] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », art. cit. [44] 44 [45] AttaquĂ©e par la presse espagnole de droite, la directrice de la chaire de MĂ©moire historique », l’historienne Mirta NĂșñez DĂ­az-Balart, a dĂ©cidĂ© en fĂ©vrier dernier de renoncer Ă  apporter son expertise Ă  la mairie de Madrid, jugeant que les conditions de sĂ©rĂ©nitĂ© nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation d’un travail scientifique n’étaient pas rĂ©unies. Cf. par exemple . [46] Manel Risques Corbella, Archivos y fuentes documentales del mundo concentracionario y penintenciario español », 2003, p. 251-266. [47] Conxita Mir CurcĂł, Vivir es sobrevivir justicia, orden y marginaciĂłn en la Cataluña rural de posguerra, 1a ed., Lleida, Milenio, 2000. [48] Oscar J. RodrĂ­guez Barreira, Vivir y narrar el Franquismo desde los mĂĄrgenes », 2013, p. 11-28. Mercedes Yusta Rodrigo, Le premier franquisme vu d’en bas » », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, juillet-septembre 2015, n° 127, no 3, p. 231-244. [49] Angela Cenarro Lagunas, La Historia desde abajo del Franquismo », 2013, p. 29-44. ; JosĂ© MarĂ­a Gago GonzĂĄlez, Las fuentes orales y el exilio », Migraciones & Exilios Cuadernos de la AsociaciĂłn para el estudio de los exilios y migraciones ibĂ©ricos contemporĂĄneos, 2007, no 8, p. 121-135. ; JosĂ© MarĂ­a Gago GonzĂĄlez et Pilar DĂ­az SĂĄnchez, La construcciĂłn y utilizaciĂłn de las fuentes orales para el estudio de la represiĂłn franquista », Hispania Nova. Revista de historia contemporĂĄnea, 2006, no 6, p. 91 . [50] Chaque centre d’archives provinciales, ou presque, a publiĂ© un ouvrage de ce type ; voir par exemple Carlos Alvarez GarcĂ­a, Responsabilidades polĂ­ticas y libertad vigilada el caso de Soria fuentes documentales conservadas en el Archivo HistĂłrico Provincial 1937-1972 », dans El franquismo, el rĂ©gimen y la oposiciĂłn actas de las IV Jornadas de Castilla-La Mancha sobre InvestigaciĂłn en Archivos Guadalajara, 9-12 noviembre 1999, vol. 2, Guadalajara, ANABAD Castilla-La Mancha, 2000, p. 599-620 ; Chris Madsen, Fuentes documentales de la DelegaciĂłn de Hacienda en el Archivo HistĂłrico Provincial de Ciudad Real durante la Guerra civil », dans AlĂ­a Miranda Francisco, Valle Calzado del Angel RamĂłn et Morales Encinas Mercedes Olga eds., La guerra civil en Castilla-La Mancha, 70 años despuĂ©s actas del Congreso Internacional, Servicio de Publicaciones, 2008, p. 133-148 ; Blanca Pascual Gonzalo, Fondos documentales para el estudio del franquismo en el Archivo HistĂłrico Provincial de Albacete », dans El franquismo, el rĂ©gimen y la oposiciĂłn
, op. cit., p. 451-484. ; MarĂ­a de la Almudena Serrano Mota, Fuentes documentales para el estudio del franquismo en el Archivo HistĂłrico Provincial de Cuenca », ibid., p. 417-430. ; Elvira Valero de la Rosa, La represiĂłn de la masonerĂ­a al tĂ©rmino de la Guerra Civil en los documentos del Archivo HistĂłrico Provincial de Albacete », Anaquel boletĂ­n de libros, archivos y bibliotecas de Castilla-La Mancha, 2011, no 51, p. 33-34. [51] Mercedes Yusta Rodrigo, El pasado como trauma », art. cit. [52] AmĂ©lie Nuq, La rééducation des jeunes dĂ©viants dans les maisons de redressement de l’Espagne franquiste 1939-1975, thĂšse soutenue le 19 novembre 2012 Ă  l'universitĂ© de Provence. [53] François Godicheau, La guerre civile espagnole, enjeux historiographiques et patrimoine politique », art. cit. [54] [55] [56] [57] [58] Ley 16/1985, de 25 de junio, del Patrimonio HistĂłrico Español, BOE n° 155, 29/06/1985, p. 20 342-20 352. [59] Eduardo GonzĂĄlez Calleja, "RĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire" et lĂ©gislation en Espagne. Chronique des controverses politiques et acadĂ©miques », art. cit. [60] [61] D’aprĂšs les historiens Juan Carlos Pereira et Carlos Sanz, la dĂ©cision de classifier des fonds contenant des documents jugĂ©s sensibles doit ĂȘtre replacĂ©e dans le contexte de la rĂ©vĂ©lation du fait que des vols de la CIA Ă  destination de Guantanamo avaient fait escale et Espagne, et de l’éclatement de l’affaire fronteras historiadores que abren nuevas vĂ­as. DiĂĄlogo con Juan Carlos Pereira y Carlos Sanz, consultĂ© le 13 janvier 2016. [62] [63] 63 [64] Une polĂ©mique est nĂ©e en 2002 autour de la question des aides publiques reçues par la Fondation nationale Francisco Franco » pour l’aider, comme d’autres structures conservant des archives, Ă  Ă©tablir un classement informatisĂ© de ses fonds. [65] Le rapport distingue les fonds dĂ©pendant des ministĂšres de la Justice, de l’IntĂ©rieur, de la DĂ©fense, de la Justice et des Affaires Ă©trangĂšres, ainsi que des CommunautĂ©s autonomes, des administrations locales et d’entitĂ©s privĂ©es. [66] [67] [68] [69] [70] Notons qu’au moment oĂč cet article a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©, en janvier 2016, aucun des liens devant faciliter les dĂ©marches de l’usager auprĂšs du ministĂšre de l’IntĂ©rieur pour consulter des documents ne fonctionnait. [71] Maria JosĂ© TurriĂłn GarcĂ­a, Les archives de la guerre civile espagnole », VingtiĂšme SiĂšcle. Revue d’histoire, 2015, no 127, p. 269-271. [72] [73] 73 À l’adresse internet indiquĂ©e, on trouve une description gĂ©nĂ©rale de ce fonds iconographique mais pas d’inventaire, en revanche. [74] [75] [76] [77] [78] Ana PĂ©rez, Julia RodrĂ­guez Cela et Gemma Calatayud Arcos, La memoria de las Brigadas Internacionales a travĂ©s de la DocumentaciĂłn recogida por la AsociaciĂłn de Amigos de las Brigadas Internacionales AABI », DocumentaciĂłn de las ciencias de la informaciĂłn, 2013, no 36, p. 85-102. [79] [80] Victoria Ramos, La represiĂłn franquista en el archivo histĂłrico del PCE », Hispania Nova Revista de historia contemporĂĄnea, 2007, no 7, p. 81. [81] Elles se trouvent Ă  l’adresse suivante Biblioteca HistĂłrica MarquĂ©s de Valdecilla de la Universidad Complutense de Madrid, C/Noviciado, 3, Madrid. [82] Élodie Richard et Charlotte Vorms, Transition historiographique ? », art. cit. [83] Eduardo GonzĂĄlez Calleja, "RĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire" et lĂ©gislation en Espagne. Chronique des controverses politiques et acadĂ©miques », art. cit. MotclĂ© : - Retrouvez les contenus associĂ©s sur RetroNews.fr, le site de presse de la BnF. Mot clĂ© : travail forcĂ© | RetroNews - Le site de presse de la BnF Aller au contenu principal Vue aĂ©rienne du camp de travail du Ban Saint-Jean oĂč plus de SoviĂ©tiques sont dĂ©cĂ©dĂ©s sous le joug de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, le 23 novembre 2020 Ă  Denting Moselle / AFP/Archives A Denting, en Moselle, plus de prisonniers soviĂ©tiques sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale sous le joug de la Wehrmacht dans le camp de travail du Ban Saint-Jean 70 ans plus tard, un projet d'installation d'Ă©oliennes fait polĂ©mique, risquant de troubler la quiĂ©tude des lieux."C'est un lieu de mĂ©moire Ă  prĂ©server. Il faut un pĂ©rimĂštre auquel personne ne touchera", martĂšle Bruno Doyen, prĂ©sident de l'Association franco-ukrainienne AFU pour la rĂ©habilitation de ce site, Ă  proximitĂ© duquel tournent dĂ©jĂ  70 camp largement mĂ©connu, oĂč, selon l'AFU, personnes viennent se recueillir chaque annĂ©e, avait hĂ©bergĂ© au lendemain de la guerre des militaires ou des harkis. Les derniers militaires l'ont quittĂ© au dĂ©but des annĂ©es 90 et, depuis, il tombe en ruine et nĂ©cessiterait des travaux urgents pour sa sĂ©curisation."Il faut de l'argent. Sinon la mairie pourrait revendre et tout pourrait disparaĂźtre", s'alarme M. stĂšle commĂ©morative sur l'ancien camp de travail du Ban Saint-Jean oĂč plus de SoviĂ©tiques sont dĂ©cĂ©dĂ©s sous le joug de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, le 23 novembre 2020 Ă  Denting Moselle / AFP/Archives Mais au-delĂ  de la pĂ©rennitĂ© du site, l'AFU redoute l'installation de six nouvelles Ă©oliennes par une filiale française de la sociĂ©tĂ© allemande Nordex, envisagĂ©e d'ici Ă  2022, selon le maire du hameau de Denting 260 habitants, François d'elles pourrait faire "de l'ombre au chĂąteau d'eau" plantĂ© au centre du camp, s'alarme M. Doyen, qui pencherait plutĂŽt en faveur d'un projet de parc photovoltaĂŻque de 25 hectares, Ă©galement Sergent-chef Mitterrand -Pour l'AFU, l'ancien camp, Ă©rigĂ© sur un terrain de 88 hectares de forĂȘts, doit ĂȘtre pour François Bir, les Ă©oliennes seraient une aubaine en cette pĂ©riode de disette d'entre elles seraient construites sur des terres agricoles mais les trois autres le seraient sur des terrains communaux avec, Ă  la clef, euros de recettes annuelles. "Une partie bĂ©nĂ©ficiera Ă  l'AFU pour aider Ă  la sauvegarde du camp", fait-il valoir."Pour faire des choses, on a besoin d'argent", insiste l' Doyen D, prĂ©sident de l'Association franco-ukrainienne, pose le 23 novembre 2020 sur le site de l'ancien camp de travail du Ban Saint-Jean, avec les vice-prĂ©sidents Maurice Schmitt G et Gabriel Becker C / AFP/Archives De 1934 Ă  1936, le camp du Ban Sain-Jean, base arriĂšre de la Ligne Maginot voisine, est Ă©rigĂ© dans un cadre idyllique, avec ses Ă©lĂ©gants pavillons destinĂ©s au logement du 146e rĂ©giment d'infanterie de au lendemain de la dĂ©faite de juin 1940 et de l'annexion de la Moselle par l'Allemagne nazie, les soldats français qui y sĂ©journent sont dĂ©sormais prisonniers de la eux, un certain François Mitterrand. Repris en novembre 1941 Ă  Metz aprĂšs s'ĂȘtre Ă©vadĂ© d'un Stalag en Allemagne, le sergent-chef Mitterrand y avait passĂ© une semaine avant d'ĂȘtre envoyĂ© Ă  Boulay, commune voisine d'oĂč il avait rĂ©ussi Ă  s'enfuir le mois suivant pour rejoindre la France en juin 1941, avec l'opĂ©ration Barabarossa, l'invasion de l'URSS par les troupes nazies, le camp avait changĂ© Ă  nouveau de destination pour devenir le lieu oĂč seront internĂ©s des centaines de milliers de travailleurs forcĂ©s soviĂ©tiques, militaires et civils. Vue aĂ©rienne de l'ancien camp de travail du Ban Saint-Jean oĂč plus de SoviĂ©tiques sont dĂ©cĂ©dĂ©s sous le joug de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, le 23 novembre 2020 Ă  Denting Moselle / AFP/Archives Majoritairement Ukrainiens, ils devaient fournir la main-d'oeuvre nĂ©cessaire aux industries et mines de fer et de charbon de la rĂ©gion ainsi qu'Ă  quelques Camp noir -A la LibĂ©ration, une Commission mixte franco-soviĂ©tique estimera que " soviĂ©tiques" ont sĂ©journĂ© dans ce Stalag, rebaptisĂ© le "camp noir" par les document, cosignĂ© par le colonel russe Kolossov et le prĂ©fet de la Moselle de l'Ă©poque Louis Tuaillon, relĂšve les "mauvais traitements, la famine, le dur labeur" et les "exĂ©cutions" dĂ©nonce aussi l’existence d'"un systĂšme de tortures" et "d'humiliations" dont le but Ă©tait "d'exterminer les personnes qui s'y trouvaient". A titre d'exemple les longues heures d'attente, mouillĂ© et nu, dans le froid aĂ©rienne de l'ancien camp de travail du Ban Saint-Jean oĂč plus de SoviĂ©tiques sont dĂ©cĂ©dĂ©s sous le joug de la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, le 23 novembre 2020 Ă  Denting Moselle / AFP/Archives Quant aux nombre de personnes dĂ©cĂ©dĂ©es, il ne s'agit que d'estimations " dans un charnier" de l'ancien cimetiĂšre juif de Boulay et " au Ban Saint-Jean, selon la fosses communes, prĂ©cisait-elle, ont Ă©tĂ© localisĂ©es Ă  Metz, Bitche, Creutzwald-la-Croix, Thionville, AmnĂ©ville pour atteindre donc le chiffre d'environ morts. Mais "il est possible que tous les corps n'aient pas Ă©tĂ© retrouvĂ©s", constatera la au bout d'un "chemin pĂ©dagogique" portant symboliquement les prĂ©noms de trois dĂ©portĂ©s Igor, AndrĂ«i et Iwan, une stĂšle trilingue, en russe, ukrainien et français, rend hommages aux lors des cĂ©rĂ©monies, les deux poteaux Ă  l'arriĂšre servent Ă  tendre une corde. Les drapeaux de l'ancien bloc soviĂ©tique y sont alors accrochĂ©s.

Cettechronologie est divisée en trois parties. La premiÚre développe la préhistoire des maoïsmes français, avec l'apparition des Amis du peuple chinois en 1934, ainsi que les prolégomÚnes, dans les années 1950, d'un engouement sinophile de la part de communistes et de compagnons de route, que l'on retrouve, quinze ou vingt ans plus tard, pour nombre d'entre

C’est dans le contexte du cataclysme europĂ©en de 1914-1918 que va naĂźtre la Russie soviĂ©tique puis l' 1914, la Russie du Tsar Nicolas II compte 170 millions d’habitants. 85 % de la population vit de l’agriculture. Le servage n’est officiellement aboli qu’en 1861. Une part considĂ©rable de ses moujiks paysans vivent misĂ©rablement et ont soif de terres ». Ce sont eux qui formeront les troupes des armĂ©es du Tsar. En aoĂ»t 1914, le Tsar entraĂźne la Russie dans la guerre aux cĂŽtĂ©s de l'entente franco-anglaise pour officiellement sauver sa sƓur slave » la Serbie, mais secrĂštement projette de s'emparer de la Galicie pour conquĂ©rir l’ArmĂ©nie et Constantinople. DĂšs le dĂ©but de la guerre, la confrontation avec l’Allemagne, puissante et fortement industrialisĂ©e, rĂ©vĂšle toutes les faiblesses de la Russie des Romanov. L'arriĂ©ration de l'Ă©conomie russe, qui combine usines ultramodernes dans quelques grandes villes et d'immenses territoires semi-fĂ©odaux, se montre incapable de nourrir, de chausser et d'armer ses troupes. En aoĂ»t 1914, la bataille de Tannenberg, en fĂ©vrier 1915 celle des lacs Mazures dĂ©sagrĂšgent dĂ©finitivement les armĂ©es tsaristes. Au printemps 1917, des soldats Russes mettent crosse en l’air, parfois au cri d' À bas la guerre » et fusillent leurs officiers. Manisfestation d’ouvriers et soldats, 1er mai 1917, Petrograd. Source library of Congress, USA. Pour dĂ©nommer les Ă©vĂ©nements des rĂ©volutions russes, l’histoire a retenu les dates en fonctions du calendrier Julien, tel qu'il Ă©tait d'usage Ă  l'Ă©poque des faits. 23 fĂ©vrier 1917 du calendrier Julien, date correspondant au 8 mars dans notre calendrier grĂ©gorien À l’occasion de leur JournĂ©e internationale », les femmes ouvriĂšres et mĂ©nagĂšres dĂ©filent paisiblement Ă  Petrograd Saint-PĂ©tersbourg, alors capitale russe. Elles rĂ©clament du pain, le retour de leurs maris partis au front, la paix et... la RĂ©publique. Les difficultĂ©s d’approvisionnement liĂ©es au froid poussent un grand nombre d’ouvriers des usines Poutilov, les plus importantes de la ville, Ă  faire grĂšve et Ă  se joindre au dĂ©filĂ©. 24 fĂ©vrier 1917 Les femmes persĂ©vĂšrent et rĂ©ussissent Ă  entraĂźner les ouvriers des autres usines. Ces ouvriers s'organisent dans des conseils grande assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, les fameux soviets, en russe composĂ©s de dĂ©lĂ©guĂ©s ouvriers Ă©lus et rĂ©vocables, tout comme ils l'avaient fait durant la premiĂšre rĂ©volution russe, seulement douze ans auparavant, en 1905. 25 fĂ©vrier 1917 La grĂšve a gagnĂ© la totalitĂ© des usines de la Ă©tudiants rejoignent le mouvement. 26 fĂ©vrier 1917 L’état de siĂšge est dĂ©crĂ©tĂ©. 1er mars 1917 Le Tsar nomme un nouveau gouvernement. 2 mars 1917 15 Mars, grĂ©gorien Alors que l’agitation a gagnĂ© toute la Russie et mis sur la touche les autoritĂ©s, le Tsar abdique aprĂšs avoir consultĂ© l’état-major. 3 mars 1917 ParallĂšlement Ă  la convocation d’un congrĂšs des soviets, les reprĂ©sentants de l'ancienne Douma tsariste forment un gouvernement provisoire. Deux organes de pouvoir se constituent celui des ouvriers et des soldats – le Soviet –, et celui du gouvernement provisoire. Ces deux pouvoirs ne vont cesser de s'affronter durant les mois suivants. Le gouvernement provisoire est d'abord dirigĂ© par le prince Georgi L'vov, puis par le socialiste-rĂ©volutionnaire Alexandre Kerensky. Jours de rĂ©volution, foule devant des bĂątiments officiels, Petrograd, 1917. Source library of Congress, USA Dix jours qui Ă©branlĂšrent le monde, titre de l’ouvrage sur la rĂ©volution bolchevique de John Reed, journaliste et militant communiste amĂ©ricain. 3 - 4 avril 1917 Retour d'exil de Vladimir Ilitch Oulianov-LĂ©nine. Il lance le mot d'ordre Tous les Pouvoirs aux soviets ! » et proclame Nous sommes dans une transition de la premiĂšre Ă©tape de la rĂ©volution, qui a donnĂ© le pouvoir Ă  la bourgeoisie [...] Ă  sa deuxiĂšme Ă©tape, qui doit donner le pouvoir au prolĂ©tariat et aux couches pauvres de la paysannerie ». 3 juillet 1917 À Petrograd, vers 9 heures, 7 rĂ©giments de mitrailleurs se dirigent vers le palais du gouvernement provisoire. En route s’adjoignent des colonnes venues des usines et de nouvelles unitĂ©s militaires. Les JournĂ©es de Juillet » sont ouvertes. Sachant les insurgĂ©s isolĂ©s, les bolchĂ©viques fraction du Parti ouvrier social-dĂ©mocrate de Russie dirigĂ©e par LĂ©nine tentent de convaincre les manifestants d'un retour au calme. 4 - 5 juillet 1917 Le gouvernement du socialiste-rĂ©volutionnaire Kerensky rĂ©tablit l'ordre ; les bolcheviques sont arrĂȘtĂ©s, dĂ©portĂ©s et retournent Ă  la clandestinitĂ©. 25 - 31 aoĂ»t 1917 Tentative de coup d'Ă©tat militaire menĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Kornilov. Kerensky est contraint de faire appel aux gardes rouges et aux soviets pour sauvegarder la capitale et faire Ă©chouer le putsch. Fin aoĂ»t, les bolcheviques sont majoritaires dans les soviets des grands centres industriels. Jours de rĂ©volution, barricades rue Liteynyy Prospekt, Petrograd library of Congress, USA 7 octobre 1917 Le soviet de Petrograd se dote d'un ComitĂ© Militaire RĂ©volutionnaire CMR. 24 - 25 octobre 1917 Le CMR dĂ©crĂšte et lance l'insurrection armĂ©e. 25 octobre 1917 7 novembre 1917- GrĂ©gorien L'insurrection est victorieuse, les bolchĂ©viques sont au pouvoir. Le gouvernement soviĂ©tique proclame les premiers dĂ©crets publication et fin des traitĂ©s secrets, demande de paix sans annexion DĂ©cret sur la paix ; la grande propriĂ©tĂ© fonciĂšre est abolie immĂ©diatement sans aucune indemnitĂ© DĂ©cret sur la terre. 20 dĂ©cembre 1917 Formation de la TchĂ©ka police politique pour faire face aux forces de la contre-rĂ©volution, aux nombreux sabotages, aux tentatives d’assassinat des dirigeants bolcheviques. Cet organisme est placĂ© sous le contrĂŽle d’un vieux bolchevique, FĂ©lix Dzerjinski. Affiche de propagande le camarade LĂ©nine nettoie la terre de ses dĂ©chets » de Viktor Nikolaevich Deni Denisov 1893-1946, 1920. Source collection reprĂ©sente LĂ©nine balayant les ennemis de la RĂ©volution tels que de haut en bas et de droite Ă  gauche le pouvoir tsariste, les chefs d'entreprise et les prĂȘtres de l'Eglise orthodoxe. 23 fĂ©vrier 1918 Fondation de l'ArmĂ©e rouge par Lev Davidovitch Bronstein dit Trotski contre l'avis des vieux bolchĂ©viques, il dĂ©cide d'associer Ă  cette armĂ©e, parfois sous la contrainte, des officiers de l'ancien rĂ©gime qu'il fait encadrer par des commissaires politiques. 3 mars 1918 Signature du traitĂ© de Brest-Litovsk entre la Russie soviĂ©tique et les Empires centraux menĂ©s par l'Allemagne. Celle-ci impose des conditions trĂšs dures au jeune Etat dĂ©jĂ  confrontĂ© Ă  la guerre civile la Russie perd les pays baltes, la BiĂ©lorussie, elle perd aussi l'Ukraine son grenier Ă  blĂ© au profit d’un Ă©phĂ©mĂšre gouvernement national Rada. Mise en place du Communisme de guerre », pĂ©riode dĂ©finie par Trotski comme la rĂ©glementation de la consommation dans une citadelle assiĂ©gĂ©e ». Le rĂ©gime se durcit, les partis soviĂ©tiques jusque-lĂ  autorisĂ©s doivent entrer dans la clandestinitĂ©, la quasi-totalitĂ© d’entre-deux ayant rejoint la contre-rĂ©volution. Des mesures d’Etatisation Ă©conomique » sont prises nationalisation des industries novembre 1920, monopole de l'Etat sur le commerce extĂ©rieur 4 mai 1918 puis le commerce intĂ©rieur 21 novembre 1918, rĂ©quisition des produits agricoles dĂ©cidĂ©e en mai-juin 1918, etc. ÉtĂ© 1918 Anglais, Allemands, Français, Italiens, AmĂ©ricains, Canadiens, Polonais, Roumains, Grecs, Japonais et mĂȘme Chinois interviennent ; les lĂ©gion tchĂ©coslovaques, elles, Ă©taient intervenues plus tĂŽt encore. Leur but commun soutenir les armĂ©es blanches, les factions antibolchĂ©viques et renverser le pouvoir qui en appelle, avec un certain succĂšs, Ă  la RĂ©volution mondiale. À la fin de l'Ă©tĂ©, le pouvoir soviĂ©tique ne contrĂŽle plus que la rĂ©gion du grand Moscou, devenue capitale. 30 aoĂ»t 1918 Une socialiste rĂ©volutionnaire, Fanny Kaplan, tire sur LĂ©nine et le blesse trĂšs griĂšvement, il en gardera des sĂ©quelles jusqu’à sa mort. 28 fĂ©vrier 1921 Alors que la guerre civile est terminĂ©e et que l’ArmĂ©e rouge est victorieuse, le pouvoir soviĂ©tique doit faire face Ă  l’insurrection des marins de Cronstadt cĂ©lĂšbre base navale russe, en face de Petrograd contre le pouvoir des bolchĂ©viques. Bien que le soulĂšvement puisse exprimer une exaspĂ©ration contre le communisme de guerre, le parti bolchevique, rĂ©uni Ă  l’occasion de son Xe CongrĂšs, se rĂ©sout unanimement Ă  l’écrasement d’une insurrection qui menace d’une reprise de la guerre civile et expose directement Petrograd. 12 mars 1921 Au cours de ce Xe CongrĂšs du Parti Communiste, LĂ©nine propose d’en finir avec le communisme de guerre. Il Ă©voque la nĂ©cessitĂ© d’une nouvelle politique Ă©conomique La NEP NovaĂŻa EkonomitcheskaĂŻa Politika. Celle-ci prĂ©voit un retour, partiel et contrĂŽlĂ©, aux mĂ©thodes de l'Ă©conomie capitaliste une certaine libertĂ© de commerce, une ouverture partielle aux investisseurs Ă©trangers, une dĂ©nationalisation du commerce intĂ©rieur et des petites entreprises industrielles. L’adoption de la NEP va permettre d’amĂ©liorer la situation Ă©conomique et de rĂ©tablir la confiance avec la paysannerie. Mais la NEP va aussi entraĂźner la formation de couches de privilĂ©giĂ©s qui vont s’ajouter Ă  celles qui existaient dĂ©jĂ  techniciens et spĂ©cialistes dont l’État SoviĂ©tique Ă©tait bien obligĂ© de rĂ©tribuer les services s’il voulait les utiliser et membres de l’appareil d’État profitant de leur situation pour apporter d’abord une solution Ă  leurs propres difficultĂ©s Ă©conomiques. 30 dĂ©cembre 1922 Un traitĂ© signĂ© entre la RĂ©publique Socialiste SoviĂ©tique FĂ©dĂ©rative de Russie, l’Ukraine, la BiĂ©lorussie et la RĂ©publique de Transcaucasie donne naissance Ă  L’Union des RĂ©publiques SoviĂ©tiques Socialistes l’URSS. 21 janvier 1924 Mort de Vladimir Ilitch LĂ©nine. DĂ©jĂ , lors du XIIe congrĂšs du PCR, affaibli par une troisiĂšme attaque cĂ©rĂ©brale, il ne peut s’opposer Ă  l’ascension de celui qui a dĂ©jĂ  concentrĂ© de façon autoritaire le pouvoir Joseph Djougachvili Staline. 12 novembre 1927 Trotski, qui avec LĂ©nine incarnait la rĂ©volution d’Octobre, est expulsĂ© vers Alma-Ata, dans le Kazakhstan. Cet exil symbolise la victoire de Staline contre toute opposition et la mise en place de son pouvoir totalitaire. 1er octobre 1928 Staline met fin Ă  la NEP. Il rĂ©active le comitĂ© de planification – le Gosplan – et lance le premier plan quinquennal qui vise Ă  doter l’URSS d’une industrie lourde. Celle-ci se fera au dĂ©triment des biens de consommation et de l’agriculture. Septembre - dĂ©cembre 1929 Staline impose la collectivisation forcĂ©e des terres agricoles et la constitution des fermes collectivistes – Kolkhozes et Sovkhozes. Au nom de la lutte contre les paysans riches les Koulaks, il se livre Ă  une vĂ©ritable guerre contre les campagnes, qui provoquera gestes de dĂ©sespoir et famine. RĂ©union dans un kolkhoze dans la rĂ©gion de Kiev, National Council of American-Soviet Friendship, New York / Library of Congress, USA 1er dĂ©cembre 1934 Assassinat de Kirov, bolchĂ©vique depuis 1905, figure montante du Politburo bureau politique, centre de dĂ©cisions, composĂ© de la direction du Parti. Staline accuse d’emblĂ©e l’ancien compagnon de LĂ©nine et dirigeant de l’Internationale Communiste, Zinoviev. C’est le dĂ©but des grandes purges staliniennes. Prisonniers du Goulag sur le chantier du canal du Belomorsk en 1932. © DR. Le canal, reliant la mer Blanche Ă  la mer Baltique prĂšs de Saint-PĂ©tersbourg, connu sous le nom de Belomorkanal, fut inaugurĂ© par Staline en 1933. Entre 12 000 et 25 000 prisonniers ont pĂ©ri pendant sa construction. 2 mai 1935 Signature du pacte dit Laval-Staline », pacte d’assistance mutuelle entre la France et l’URSS. Si ce pacte n’aura finalement que peu de traduction concrĂšte, il est rĂ©vĂ©lateur de la volontĂ© de Staline de rechercher l’appui des dĂ©mocraties occidentales face Ă  la menace de l’Allemagne nazie et du fascisme. La politique des fronts populaires que le Komintern l’Internationale communiste met en place sera la traduction internationale de cette volontĂ© d’ouverture vers l’ouest. Fin aoĂ»t 1935 Lancement du mouvement stakhanoviste. Ce mouvement, du nom d’Alexis Stakhanov, mineur du Donets autour duquel se construit une lĂ©gende, vise Ă  intensifier au maximum la productivitĂ© de chaque travailleur et Ă  l’inciter Ă  aller au-delĂ  des quotas que lui fixe le plan. De 1933 Ă  1937, le second plan quinquennal met en pratique cette intensification maximale de l’exploitation, couplĂ©e Ă  une amĂ©lioration qualitative la productivitĂ© du travail augmente de 82 %, soit deux fois plus qu'au cours du premier plan. Stakhanov instrument de forage Ă  la main, vers Office of War Information / Library of Congress, USA 18 juin 1936 Ouverture du premier des Grands procĂšs de Moscou, appelĂ© ProcĂšs des seize. Zinoviev et Kamenev, proches collaborateurs de LĂ©nine, sont les deux principaux accusĂ©s. Ils sont jugĂ©s pour la participation au meurtre de Kirov et Ă  des actes de sabotages ». Le 24 juin, les seize accusĂ©s sont immĂ©diatement exĂ©cutĂ©s. Entre juin 1936 et mars 1938, Staline Ă©radique tous les opposants Ă  son pouvoir monde Ă©conomique et scientifique, hĂ©ros de la guerre civile, puis l’opposition de droite dont Boukharine. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, entre 1936 et 1938, durant la pĂ©riode de la grande terreur stalinienne, ce sont des millions de SoviĂ©tiques qui seront fusillĂ©s ou envoyĂ©s dans les goulags camps de travail forcĂ©. 23 aoĂ»t 1939 Signature du pacte germano-soviĂ©tique. À Moscou, Ribbentrop et Molotov, les ministres des Affaires Ă©trangĂšres respectifs de l'Allemagne nazie et de l'URSS, signent un pacte de non-agression. Staline espĂšre ainsi contenir les ambitions de conquĂȘte d'Hitler vers l'est. Ce pacte prĂ©voit des closes secrĂštes le partage de la Pologne entre les deux totalitarismes et l’annexion par l’URSS des pays Baltes. Pour Staline, c’est aussi une rĂ©ponse aux accords de Munich Chamberlain pour la Grande-Bretagne et Daladier pour la France signĂšrent les accords de Munich, en 1938, avec Hitler et Mussolini. La TchĂ©coslovaquie fut sacrifiĂ©e et l’URSS Ă©cartĂ©e d’un accord de paix. 22 juin 1941 À 3 heures du matin, plus de 3,3 millions de soldats allemands mais aussi italiens, hongrois, slovaques, roumains et finlandais envahissent le territoire de l'Union soviĂ©tique. Le nom de code de l'opĂ©ration Barbarossa. Ce jour-lĂ , les armĂ©es allemandes enfoncent le front russe, au nord vers Leningrad, au centre vers Moscou, au sud vers Odessa et Kiev. Mais la guerre contre la Russie n’est pas la Blitzkrieg » dont rĂȘve Hitler. L’automne boueux, puis l’hiver glacĂ©, la rĂ©sistance acharnĂ©e de l’ArmĂ©e rouge mais aussi de la population de Moscou et de Leningrad bloquent les troupes allemandes aux portes des deux capitales de la Russie. À l’hiver 1941, le front s’étale sur 3 000 kilomĂštres. Soldats de l’ArmĂ©e Rouge, prĂšs de Leningrad, 1941. Source Library of Congress, USA. 2 fĂ©vrier 1943 Victoire soviĂ©tique Ă  Stalingrad tournant de la guerre aprĂšs leur Ă©chec devant Moscou, les Allemands ont entrepris, en septembre 1942, le siĂšge de Stalingrad. Les Russes dĂ©fendent farouchement chaque maison, chaque ruelle. En novembre, la 6e armĂ©e de Friedrich Paulus se trouve Ă  son tour encerclĂ©e par les divisions Joukov. 270 000 allemands sont enfermĂ©s dans la ville, sans ravitaillement, et le FĂŒhrer exige de Paulus qu’il tienne Ă  tout prix. Des milliers de soldats sont ainsi victimes du froid qui atteint -30 °C, et Paulus capitule le 2 fĂ©vrier 1943. Combats dans les rues de Stalingrad, novembre 1942. © Lebrecht/Leemage. DĂ©cembre 1943 Staline dissout le Komintern et le 15 mars 1944 le chant L’Internationale n’est plus l’hymne de l’Union soviĂ©tique. Elle est remplacĂ©e par un hymne patriotique Ă  la gloire de Staline. Votre navigateur n'est pas compatible 27 janvier 1944 La contre-offensive de l’ArmĂ©e rouge est victorieuse. Avec l’aide de la population, les soldats soviĂ©tiques parviennent Ă  lever dĂ©finitivement le siĂšge imposĂ© par l’armĂ©e allemande Ă  Leningrad. Les armĂ©es du Reich sont rejetĂ©es Ă  plus de 60 km de la ville. Pouchkine, Gatchina et Tchoudovo sont libĂ©rĂ©es. Ce siĂšge, peut-ĂȘtre le plus long de l’histoire, a durĂ© presque 900 jours ; il serait responsable de la mort de prĂšs de 2 millions d’individus. 20 avril 1945 DĂ©but de la bataille de Berlin. Le 20 avril 1945, date anniversaire d'Adolf Hitler, la bataille de Berlin commence par un assaut de chars soviĂ©tiques qui se heurte Ă  une rĂ©sistance allemande. Les SoviĂ©tiques envoient d'abord l’infanterie afin de nettoyer » les faubourgs de Berlin. PĂ©nĂ©trant enfin dans la ville, fortement dĂ©truite Ă  la suite des bombardements successifs alliĂ©s, le gĂ©nĂ©ral Joukov dĂ©cide de bombarder Ă  l’arme lourde le centre-ville. â–ș Le 26 avril, les SoviĂ©tiques s'emparent de l'aĂ©roport de Tempelhof, ce qui prive les Allemands du peu de soutien de la Luftwaffe. â–ș Dans la nuit du 30 avril, Hitler se suicide d'une balle dans la tĂȘte. Le soir mĂȘme, le drapeau rouge Ă  la faucille et au marteau flotte sur le Reichstag le parlement allemand â–ș Le 1er mai, le gĂ©nĂ©ral allemand Weidling dĂ©cide de capituler. Mais certaines poches de rĂ©sistance continuent Ă  combattre jusqu'au 5 mai. â–ș Le 8 mai 1945 signe la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Mai 1945 L’URSS sort de la guerre Ă  la fois meurtrie, exsangue et grandie. Une immense partie de l’Europe est dĂ©sormais zone d’occupation soviĂ©tique. Ce glacis allait, en 1947-1948, former avec l’URSS un monde Ă  part, le bloc soviĂ©tique », sĂ©parĂ© de l’autre bloc par une frontiĂšre de miradors, barbelĂ©s et champs de mine. La zone d’influence soviĂ©tique s’étend sur plus de 23 400 000 kilomĂštres carrĂ©s oĂč vivent 360 millions de personnes. Mais cette position nouvelle, les SoviĂ©tiques l’ont payĂ©e trĂšs cher. La guerre a fait 20 millions de morts, civils et militaires. Timbre de l’URSS cĂ©lĂ©brant la victoire de Stalingrad, 1945. Source Kolekzioner. 4 - 11 fĂ©vrier 1945 ConfĂ©rence de Yalta en CrimĂ©e. Elle rĂ©unit Roosevelt, prĂ©sident des États-Unis, Churchill pour la Grande-Bretagne et Staline pour l'URSS. Elle reste, pour certains, le symbole du partage du monde entre les grandes puissances occidentales d'une part, et l'URSS d'autre part. Mais Yalta n’est qu’une des confĂ©rences, l’une des rencontres qui ont jalonnĂ© la guerre. Les trois grandes puissances se sont rĂ©unies Ă  TĂ©hĂ©ran en novembre 1943, puis Ă  Yalta en fĂ©vrier 1945, enfin Ă  Potsdam en juillet 1945. Ce sont ces confĂ©rences qui ont prĂ©parĂ© le rĂšglement de l’aprĂšs guerre. Winston Churchill Royaume-Uni, Franklin Etats-Unis, Joseph Staline URSS Ă  la confĂ©rence de Yalta CrimĂ©e, fĂ©vrier 1945. Photo de l’ Signal Corps. Source Library of Congress USA 1947 L'annĂ©e de la rupture, de la constitution des blocs, du dĂ©but de la guerre froide. Progressivement, parfois dĂšs janvier notamment en Pologne, les communistes, sous la pression de l'URSS, Ă©cartent les autres partis des coalitions nationales et contrĂŽlent seuls les appareils d'Etats. EvĂ©nements de Budapest en 1956. Photo de Mario de Biasi. © MP / Leemage. 22 septembre 1947 La doctrine Jdanov rĂ©pond Ă  la doctrine Truman selon laquelle les États-Unis incarnent le monde libre » et doivent s’opposer Ă  l’avancĂ©e soviĂ©tique. Jdanov proclame Plus nous nous Ă©loignons de la fin de la guerre et plus nettement apparaissent les deux principales directions de la politique internationale de l'aprĂšs-guerre le camp impĂ©rialiste et antidĂ©mocratique [ Le camp amĂ©ricain, l'Ouest], le camp anti-impĂ©rialiste et dĂ©mocratique [ le camp soviĂ©tique, l'Est] ». 25 janvier 1949 Constitution du Comecon Conseil d'aide Ă©conomique mutuelle l'Union soviĂ©tique fixe dĂ©sormais la nouvelle politique Ă©conomique des pays situĂ©s derriĂšre le rideau de fer » – la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la TchĂ©coslovaquie, puis l’Albanie et la RĂ©publique DĂ©mocratique Allemande RDA. 14 fĂ©vrier 1950 Signature du pacte sino-soviĂ©tique. Le 1er octobre 1949, le Parti communiste chinois de Mao TsĂ©-toung prend le pouvoir en Chine. DĂšs le lendemain, l'URSS de Staline reconnaĂźt officiellement celle-ci. AlliĂ©es, Chine et URSS combattent le camp amĂ©ricain lors de la guerre de CorĂ©e 1950-1953. La dĂ©stalinisation entamĂ©e par Khrouchtchev sera le prĂ©texte pour la rupture de l’alliance sino-soviĂ©tique en 1963. 5 mars 1953 Mort de Joseph Staline. Staline mort, aucun de ses lieutenants ne peut prĂ©tendre exercer d'emblĂ©e la totalitĂ© du pouvoir qui avait Ă©tĂ© le sien. Ils se mettent d'accord pour se dĂ©barrasser du prĂ©tendant au pouvoir suprĂȘme le plus dangereux, le chef de la police politique, BĂ©ria, qui est condamnĂ© Ă  mort et exĂ©cutĂ© le 23 dĂ©cembre 1953. Se met en place une direction collĂ©giale » – condamnation implicite de la maniĂšre dont l’ancien dictateur a dirigĂ© le pays. En mars 1953, Khrouchtchev ne figure qu'au 8e rang de la direction, mais ses nouvelles fonctions de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral vont lui permettre d'Ă©vincer ses concurrents. Molotov, Malenkov, Kaganovitch et d'autres sont Ă©vincĂ©s de la direction du parti sous l'accusation d'avoir formĂ© un groupe antiparti » fin 1956. 24 fĂ©vrier 1956 Fin du XXe congrĂšs du PCUS – le rapport Khrouchtchev. Le congrĂšs se tient du 14 au 26 fĂ©vrier 1956. C’est le premier depuis la mort de Staline. Dans un rapport secret », Khrouchtchev dĂ©nonce un certain nombre des crimes de Staline. Il dĂ©nonce avec virulence son culte de la personnalitĂ©, sa mĂ©galomanie et ses crimes les purges, les arrestations, les aveux obtenus par la torture, les exĂ©cutions, la dĂ©portation de peuples entiers aprĂšs la guerre, la responsabilitĂ© de Staline dans la dĂ©faite militaire de l'URSS lors de l'invasion allemande et ses erreurs tactiques qui ont entraĂźnĂ© des centaines de milliers de morts. AprĂšs ce congrĂšs, le dĂ©gel » se poursuit avec la libĂ©ration de cinq millions de prisonniers en 1956. Une certaine libertĂ© culturelle est autorisĂ©e. La dĂ©stalinisation », mĂȘme partielle, Ă©branle la sociĂ©tĂ© soviĂ©tique et surtout, les dĂ©mocraties populaires. En Pologne et en Hongrie, la population se saisit de cette ouverture pour se soulever contre la mainmise soviĂ©tique. En Pologne, les autoritĂ©s rĂ©tablissent violement l’ordre, et, en Hongrie, la puissante rĂ©volution ouvriĂšre est Ă©crasĂ©e par les chars soviĂ©tiques. 4 octobre 1957 L’URSS place en orbite le premier satellite artificiel de l’histoire, Spoutnik. Spoutnik, premier satellite artificiel mis sur orbite 1957. © Nasa. Mars 1958 Khrouchtchev Ă©vince Boulganine et prend sa place Ă  la tĂȘte du gouvernement. Il cumule tous les postes de direction, Ă  la tĂȘte de l’Etat et du parti. Khroutchev et Castro dans la foule, 1960. Photo Herman Hiller. Source World Telegram & Sun / Library of Congress, USA. 12 Avril 1961 Le cosmonaute soviĂ©tique Youri Gagarine est le premier homme Ă  effectuer un vol dans l'espace. L’URSS semble avoir triomphĂ© alors de son rival amĂ©ricain et son prestige est fortement rehaussĂ©. Youri Gagarine, revĂȘtu de sa combinaison spatiale, dans le bus le menant sur le pas de tir du vaisseau spatial Vostok 1, le 12 avril 1961 Ă  BaĂŻkonour. © Nasa. 12 - 13 aoĂ»t 1961 Construction du mur de Berlin. Berlin avait conservĂ© le statut qui Ă©tait le sien Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alors qu'en 1949 s'Ă©taient créés deux États allemands, la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d'Allemagne RFA Ă  l'ouest et la RĂ©publique dĂ©mocratique allemande RDA Ă  l'est, Berlin Ă©tait restĂ© une ville quadripartite, occupĂ©e par les armĂ©es des anciens alliĂ©s qui avaient vaincu le rĂ©gime hitlĂ©rien. À l'ouest, stationnaient les troupes amĂ©ricaines, anglaises et françaises, tandis que la moitiĂ© est de la ville Ă©tait occupĂ©e par l'armĂ©e soviĂ©tique. Berlin Ă©tait enclavĂ©e dans la RDA. Dans la nuit du 12 au 13 aoĂ»t, les Berlinois dĂ©couvrent qu’un mur sĂ©pare dĂ©sormais leur ville. Ni Kennedy ni De Gaulle ne sont intervenus, contrairement Ă  ce qui s'Ă©tait passĂ© en 1948, quand les Russes avaient imposĂ© le blocus de Berlin auquel les États-Unis avaient rĂ©agi en alimentant la ville par un pont aĂ©rien. Pour le monde occidental, c'est surtout le signe que l'URSS de Khrouchtchev a dĂ©finitivement abandonnĂ© l'idĂ©e d'une seule Allemagne. Octobre 1962 La crise des fusĂ©es Ă  Cuba. Le 1er janvier 1959, Fidel Castro, Ernesto Che » Guevara et leurs guĂ©rilleros s’emparent de La Havane. AprĂšs avoir tentĂ© en vain d’obtenir un accord avec le gouvernement amĂ©ricain, ils se tournent rapidement vers l’URSS et la Chine. Depuis cette date, les Etats-Unis tentent de renverser le rĂ©gime castriste. En octobre 1962, Khrouchtchev nĂ©gocie un accord secret avec Castro pour l’installation de bases militaires dotĂ©es d’armement nuclĂ©aires, de bombardiers tactiques et de missiles SS-4 directement pointĂ©s vers les Etats-Unis. â–ș Le 14 Octobre 1962, des avions amĂ©ricains repĂšrent les rampes de lancements. â–ș Le 16 octobre, le prĂ©sident Kennedy convoque le Conseil de sĂ©curitĂ© nationale et propose une action militaire directe. â–ș Le 26 Octobre, Khrouchtchev dĂ©cide le retrait des missiles contre une clause de non-intervention amĂ©ricaine sur l’üle de Cuba. 14 octobre 1964 La chute de Khrouchtchev, le pouvoir de Brejnev. À son retour de vacances, Khrouchtchev est convoquĂ© Ă  une rĂ©union du Bureau politique et contraint de dĂ©missionner. Officiellement, il Ă©voque son Ăąge avancĂ© et son Ă©tat de santĂ©, annonce qu'il quitte ses fonctions de premier secrĂ©taire du Parti communiste PCUS et de prĂ©sident du Conseil des ministres de l'Union des RĂ©publiques Socialistes SoviĂ©tiques URSS. De nouveau, une Ă©phĂ©mĂšre collĂ©gialitĂ© organise la succession. Elle se compose d’une troĂŻka avec Brejnev comme premier secrĂ©taire du Parti, Kossyguine comme chef du gouvernement, et Podgorny comme chef de l'Etat. Brejnev s’empare de fait du pouvoir. Le pouvoir brejnĂ©vien, que l’on dit marquĂ© par l’immobilisme, se maintiendra durant 18 ans, jusqu’à sa mort le 10 novembre 1982. 21 aoĂ»t 1968 Les tanks des troupes du pacte de Varsovie, qui regroupent autour de l'URSS ses satellites d'Europe centrale et orientale, envahissent la TchĂ©coslovaquie pour mettre un terme au Printemps de Prague ». DerriĂšre le Premier secrĂ©taire Alexander Dubcek, une nouvelle direction promet une ouverture dĂ©mocratique. Elle tente de rĂ©pondre aux aspirations tchĂ©coslovaques en rĂ©formant les structures du rĂ©gime. Tout cela est inadmissible pour Brejnev qui fait intervenir les chars. Ceux-ci se heurtent Ă  la rĂ©sistance de la population. Dubcek finit par cĂ©der, mais il ne peut Ă©viter la rĂ©volte des jeunes qui affrontent seuls les forces d’occupation dĂ©sormais alliĂ©es Ă  la police du rĂ©gime. Dubcek sera finalement Ă©cartĂ© du pouvoir. Le 68 » de l’Est fini dans le sang de la normalisation ». En mars 1968, la rĂ©volte pour une voie polonaise de dĂ©veloppement avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©crasĂ©e. Des TchĂ©coslovaques brandissent le drapeau national devant un char soviĂ©tique en feu, Ă  Prague, en avril 1968. © United States Government work. Mai 1972 Poursuite et accentuation de la dĂ©tente et de la coexistence pacifique. Les accords dits de SALT I Strategic Armements Limitation Talks, signĂ©s par Brejnev et Nixon, prĂ©tendent limiter les armements dĂ©fensifs anti-missiles et surtout geler, pour 5 ans, les armes nuclĂ©aires offensives. En juin 1979, Brejnev et Jimmy Carter signent les accords SALT II. Ces accords prĂ©voient un contrĂŽle rĂ©ciproque des armes nuclĂ©aires. Ils seront complĂ©tĂ©s, en 1991, par l’accord START I que Gorbatchev signe avec le prĂ©sident Bush les deux grandes puissances s'engagent Ă  rĂ©duire leur arsenal nuclĂ©aire stratĂ©gique de 30 %. 13 fĂ©vrier 1974 Expulsion d’Alexandre Soljenitsyne d’URSS. Sous l’ordre de Brejnev, l’ex-capitaine, prix Nobel de littĂ©rature, auteur de L’Archipel du goulag, est expulsĂ© d’URSS. Sakharov, une autre figure de l’intelligentsia, prix Nobel de la paix, sera soumis Ă  l’exil interne Ă  Gorki fin 1979. Soljenitsyne, matricule CH-262, dans un goulag entre 1945 et 1953. © Effigie/Leemage. 1er aoĂ»t 1975 Signature de l'acte final de la confĂ©rence sur la sĂ©curitĂ© et la coopĂ©ration en Europe la CSCE Ă  Helsinki Finlande par 35 Etats, dont les Etats-Unis et l'URSS. Les accords ouvrent une pĂ©riode de coopĂ©ration Ă©conomique et scientifique entre les signataires et engagent les signataires au respect de l'intĂ©gritĂ© territoriale et Ă  la non-ingĂ©rence. Brejnev signe avec le prĂ©sident amĂ©ricain John Ford un communiquĂ© sur la limitation des armes stratĂ©giques, Vladivostok, 1974. Photo David Hume Kennerly. Source Gerald R. Ford Library, USA. 25 dĂ©cembre 1979 Les troupes soviĂ©tiques envahissent lAfghanistan. En 1973, le roi Zaher Shah est sur le trĂŽne depuis 40 ans. Pris entre l'Asie centrale soviĂ©tique et les alliĂ©s pro-occidentaux Pakistan et Iran, il joue une politique d'Ă©quilibre, de non alignement ». En juillet 1973, il est renversĂ© par un putsch de son cousin et ex-Premier ministre, Mohamed Daoud Khan, rĂ©putĂ© prosoviĂ©tique. La RĂ©publique est proclamĂ©e. Mais rapidement, les relations avec l’URSS se tendent et un premier coup d'Etat Ă©choue en dĂ©cembre 1976. C'est finalement par le biais des officiers de l'armĂ©e et d'un parti d'intellectuels progressistes » le PDPA, Parti DĂ©mocratique du Peuple Afghan, formĂ© dans les universitĂ©s soviĂ©tiques – que le Kremlin va avoir raison de Daoud. Un coup d'Etat militaire, qui fera prĂšs de 3000 morts, le renverse en mars 1978. Cette fois, le pouvoir est remis aux civils du PDPA divisĂ©s en deux courants » le Khalq, parti du peuple », et le Parcham, drapeau ». Noor Mohammad Taraki du Khalq devient prĂ©sident, et Hafizullah Amin devient premier ministre. Pendant les 18 mois qui vont suivre, les SoviĂ©tiques vont appuyer Taraki contre Amin. L’ArmĂ©e rouge entrera finalement en Afghanistan, pour dĂ©poser Amin et le remplacer par Karmal, le plus infĂ©odĂ© Ă  15 fĂ©vrier 1989, le dernier soldat soviĂ©tique quitte l’Afghanistan aprĂšs une guerre sanglante. L’URSS est dĂ©faite par les moudjahidines combattants de la foi. 10 novembre 1982 Mort de LĂ©onid Brejnev. La nouvelle est annoncĂ©e le 11 novembre vers 11 heures du matin. Iouri Andropov, Ă©lu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, prĂ©side les funĂ©railles. Andropov succĂšde donc Ă  Brejnev en Ă©cartant son principal rival Constantin Tchernenko. Sous Andropov sont lancĂ©es des enquĂȘtes sur des prĂ©varications et des dĂ©tournements au profit du clan brejnĂ©vien au plus haut niveau. DĂ©filĂ© le 7 novembre 1983, Moscou commĂ©moration de la rĂ©volution d’octobre.© Thomas Hedden. 9 fĂ©vrier 1984 AprĂšs une maladie de plus de 8 mois, Andropov dĂ©cĂšde. Sa mort est annoncĂ©e le lendemain aux membres du Politburo. Michael Gorbatchev est alors pressenti pour le remplacer, mais c’est finalement Konstantin Oustinovitch Tchernenko qui est nommĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Tchernenko, dĂ©jĂ  malade, meurt le 10 mars 1985 Ă  Moscou. 11 mars 1985 Gorbatchev, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Il est Ă©lu le 11 mars 1985, Ă  54 ans, soit 20 ans de moins que la moyenne du Bureau politique. Il annonce l’ùre des rĂ©formes radicales ». Gorbatchev prĂŽne la vĂ©ritĂ© des prix, la liaison renforcĂ©e du salaire au rendement et la lutte contre la mentalitĂ© de propriĂ©taire ». Il promet Ă©galement des mesures contre l’alcoolisme et menace les mauvais travailleurs ». 25 fĂ©vrier 1986 Ouverture du XXVIIe CongrĂšs du Parti communiste de l'Union soviĂ©tique. Gorbatchev y Ă©voque la nĂ©cessitĂ© de reforme profonde du systĂšme bureaucratique ». Les mots de PerestroĂŻka reconstruction et de Glasnost transparence rentrent dans le vocabulaire mondial. 27 avril 1986 Explosion d’un rĂ©acteur de la centrale nuclĂ©aire de Tchernobyl. Pour la premiĂšre fois, les autoritĂ©s soviĂ©tiques rompent avec la tradition du secret et communiquent sur la catastrophe. Novembre 1986 Annonce de la loi sur l’activitĂ© professionnelle individuelle ». C’est le droit de travailler seul Ă  son propre compte. On voit sortir de terre quelques dizaines de milliers de travailleurs individuels» petit artisanat, petite production Ă  domicile. 16 - 17 dĂ©cembre 1986 DĂ©but de l’éveil des nationalismes des Ă©meutes contre le pouvoir central grand russe » se produisent Ă  Alma-Ata. Janvier 1987 Il est dĂ©cidĂ© qu’à partir de janvier 1988, 68 sociĂ©tĂ©s d’État seront, Ă  titre expĂ©rimental, autorisĂ©es Ă  commercer directement avec l’Occident. C’est une brĂšche dans le monopole du commerce extĂ©rieur. Juin 1987 Gorbatchev Ă©voque la nĂ©cessitĂ©, d’ici aux annĂ©es 1990, de passer Ă  des mĂ©thodes de gestion Ă©conomique » inspirĂ©es de celles existant Ă  l’Ouest. Il prĂ©sente toujours cela comme une amĂ©lioration du systĂšme socialiste. Juillet 1987 Nouvelle expression des nationalitĂ©s. Les Tatars peuples turcs d’URSS manifestent sur la Place Rouge. Janvier 1988 Autorisation de crĂ©ation de sociĂ©tĂ©s mixtes soviĂ©to-Ă©trangĂšres. FĂ©vrier - mars 1988 À Erevan et au Haut-Karabakh, des ArmĂ©niens manifestent pour le rattachement de l’enclave azerbaĂŻdjanaise Ă  l’ArmĂ©nie. 26 mai 1988 Vote de la loi sur les coopĂ©ratives. Elle permet de crĂ©er une entreprise privĂ©e sous le vocable de coopĂ©rative ». 26 mars 1989 Gorbatchev crĂ©e une nouvelle AssemblĂ©e lĂ©gislative, le CongrĂšs des dĂ©putĂ©s du peuple », dont les deux tiers sont des membres Ă©lus au suffrage universel, Ă  bulletin secret, sur candidatures multiples. Les premiĂšres Ă©lections lĂ©gislatives qui s’en suivent sont un Ă©chec pour les candidats soutenant Gorbatchev. Gorbatchev subit la concurrence des nationalistes et de ceux qui veulent aller plus loin et plus vite dans la marche vers l'Ă©conomie de marchĂ©. 9 avril 1989 Les forces de sĂ©curitĂ© soviĂ©tiques rĂ©priment violemment des manifestations en faveur de l'indĂ©pendance de la GĂ©orgie, faisant plusieurs dizaines de morts et de blessĂ©s. 9 - 10 novembre 1989 Chute du mur de Berlin. Gorbatchev laisse faire. En Janvier 1990, il annonce le principe de la rĂ©unification allemande. Le 3 octobre 1990, la RDA cesse d’exister, ses territoires sont entiĂšrement absorbĂ©s par la RFA. L’Allemagne est rĂ©unifiĂ©e. Mars 1990 Pour la premiĂšre fois il vient d’avoir les pleins pouvoirs Ă©conomiques, Gorbatchev se prononce pour le passage au marchĂ© ». Le 14 mars, il est Ă©lu au poste de PrĂ©sident de l’URSS par le CongrĂšs des dĂ©putĂ©s du peuple pour un mandat de cinq ans. Au prĂ©alable, Gorbatchev avait fait adopter une rĂ©forme constitutionnelle qui crĂ©e le poste de PrĂ©sident de l'URSS, diminuant le rĂŽle du chef du Parti communiste de l’URSS. 11 mars 1990 Le parlement lituanien proclame l’indĂ©pendance du pays. En novembre 1990 est promulguĂ© un traitĂ© de l'Union dĂ©finissant les structures d'une Union des RĂ©publiques Souveraines sur leurs territoires. Le 29 juillet 1991, la Russie reconnaĂźt l’indĂ©pendance de la Lituanie. Octobre 1990 Gorbatchev reçoit le prix Nobel de la paix. La loi sur la nouvelle Constitution est adoptĂ©e, et, avec elle, le plan Chataline, prĂ©voyant la crĂ©ation d'une Ă©conomie de marchĂ© en 500 jours. 9 avril 1991 Le Soviet suprĂȘme de GĂ©orgie vote une loi sur l’indĂ©pendance nationale du pays. Gorbatchev signe avec le prĂ©sident Reagan le traitĂ© sur les forces nuclĂ©aires Ă  portĂ©e intermĂ©diaire, Washington 1987. Source Ronald Reagan Presidential Library, USA. 12 Juin 1991 Boris Eltsine est Ă©lu prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de Russie. 19 aoĂ»t 1991 Le putsch d’aoĂ»t 1991. Gorbatchev en vacances, quelques hauts dirigeants dĂ©crĂštent l'Ă©tat d'urgence dans tout le pays. Les putschistes annoncent vouloir restaurer un pouvoir fort afin de stopper le processus de dĂ©sintĂ©gration du pays. Un ComitĂ© d'Etat pour l'Ă©tat d'urgence » dĂ©clare que Gorbatchev est incapable pour raisons de santĂ© » d'assumer la charge prĂ©sidentielle. Boris Eltsine se dresse en opposant et dĂ©clare illĂ©gale l'action du comitĂ©. Il annonce, le 21 aoĂ»t, qu'il prend le commandement des forces armĂ©es. Le ministre de la dĂ©fense ordonne le retrait des troupes. Gorbatchev revient Ă  Moscou dans la nuit du 21 au 22 aoĂ»t. Les putschistes sont arrĂȘtĂ©s. 20 - 24 aoĂ»t 1991 Gorbatchev interdit par dĂ©cret l'activitĂ© du PC au sein de l'armĂ©e et du KGB. Il est contraint de dĂ©missionner de son poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du PC. Le journal historique du PCUS, La Pravda, est interdit. 20 aoĂ»t - 1er septembre 1991 Proclamations d’indĂ©pendance officielles BiĂ©lorussie, Estonie, Moldavie, AzerbaĂŻdjan, Kirghizstan, OuzbĂ©kistan. 29 aoĂ»t 1991 Dissolution du Soviet suprĂȘme d’URSS. 17 septembre 1991 La Lituanie, la Lettonie et l’Estonie sont admises Ă  l’ONU. Proclamation d’indĂ©pendance du Tadjikistan. 27 octobre 1991 Proclamation d’indĂ©pendance du TurkmĂ©nistan. 1er dĂ©cembre 1991 90 % des Ă©lecteurs ukrainiens votent pour l’indĂ©pendance de l’Ukraine. 8 dĂ©cembre 1991 Le Russe Boris Eltsine, l’Ukrainien Leonid Kravtchouk et le BiĂ©lorusse Stanislaw Chouchkevitch signent les accords dits de Minsk », qui dissolvent l’URSS au 31 dĂ©cembre 1991 et la remplace par la CommunautĂ© des Etats indĂ©pendants CEI. Les 12 autres rĂ©publiques fĂ©dĂ©rĂ©es qui constituaient alors l’URSS sont invitĂ©es Ă  y adhĂ©rer. Le 21 dĂ©cembre, Ă  Alma-Ata, les accords du mĂȘme nom, signĂ©s par onze rĂ©publiques sur les quinze, formalisent la nouvelle CEI et donc la fin de l’URSS. 89Si les Ɠuvres de Teresa Noce et de Chiara Cremaschi divergent sur les projets (autobiographie d’une part, remĂ©moration de l’autre) et sur les enjeux (politiques d’une part, civiques de l’autre), les affinitĂ©s ne manquent pas : la notion de voyage, le camp vu comme un prototype de camps Ă  venir, avec les rails qui verrouillent le film de Chiara Cremaschi. Étudier Il y a cent ans a eu lieu la rĂ©volution d'Octobre 1917 1. Avant de cĂ©lĂ©brer la date, il faut ouvrir le Goulag, l'ouvrage que viennent de publier Luba Jurgenson et Nicolas Werth. L'ouvrir Ă  n'importe laquelle de ses 1 120 pages, et lire les tĂ©moignages des zeks», les dĂ©tenus de l'immense systĂšme concentrationnaire soviĂ©tique. Lire aussi, comme en miroir, les rapports de l'administration qui s'intercalent. Les uns sont faits d'Ă©motions, les autres d'informations. Mais cette frontiĂšre se brouille quand on rapproche les uns et les autres. Le trouble saisit autant Ă  lire les textes dĂ©pouillĂ©s de l'Ă©crivain rescapĂ© Varlam Chalamov que les rapports dans leur brutalitĂ© assĂ©chĂ©e. On dira que l'histoire du Goulag est connue, mais ce collage entre littĂ©rature et textes administratifs, ce frottement de deux regards radicalement diffĂ©rents sur une entreprise dont le but affichĂ© Ă©tait de changer l'homme» fait surgir une rĂ©alitĂ© deux chercheurs reconnus, l’une pour sa connaissance de la littĂ©rature russe, l’autre comme spĂ©cialiste de l’histoire de l’URSS, ont-ils mĂȘlĂ© leurs regards pour aboutir Ă  un ouvrage qui tente de montrer tous les visages du Goulag ? Ils se regardent quand on leur pose la question, hĂ©sitant Ă  prendre la parole avant l’autre. Ils ne se souviennent pas d’un moment, d’une Ă©tincelle, mais admettent que l’idĂ©e Ă©tait dans la tĂȘte de l’une comme de l’autre. Luba Jurgenson, professeure Ă  Paris-Sorbonne, avait Ă©videmment besoin des historiens et Nicolas Werth, directeur de recherches au CNRS, sentait la nĂ©cessitĂ© d’apporter autre chose que la rigueur du spĂ©cialiste. Il fallait donner l’envers et l’endroit du collage pour comprendreNicolas Werth Ă©voque une Ă©vidence quand il a rapprochĂ© un document minuscule une demi-page A4 d'un papier pelure sorti des archives de l'administration, d'un texte d'EvguĂ©nia S. Guinzbourg, le Vertige, dans lequel elle a racontĂ© son expĂ©rience du Goulag. A peine lisible, un petit tableau tapĂ© Ă  la machine Ă©tait titrĂ© Note sur la mortalitĂ© des enfants des Maisons d'enfants pour les annĂ©es 1947-1958». Il portait une date prĂ©cise parce que l'administration y tient 20 fĂ©vrier 1958. Il Ă©tait indiquĂ© que les informations devaient rester strictement confidentielles» et qu'il s'agissait d'un exemplaire unique». Il fallait d'abord comprendre cet empilement de nombres qui n'avait pas la rectitude apportĂ©e par Excel. A la premiĂšre ligne et Ă  la premiĂšre colonne, on pouvait lire 15 188 enfants. Et dans la deuxiĂšme 6 223 morts. 40 % des enfants Ă©taient morts en 1947 ! L'historien a immĂ©diatement pensĂ© Ă  une phrase de Guinzbourg Ils se sont retrouvĂ©s ! RetrouvĂ©s ! SuffoquĂ©e de chagrin, elle se tient Ă  cĂŽtĂ© de lui [
]. SuffoquĂ©e, elle rĂ©pĂšte la mĂȘme chose le bĂ©bĂ© lui ressemblait tant [
]. Et le bĂ©bĂ© avait succombĂ© en trois jours Ă  une dyspepsie toxique parce qu'elle n'avait pas de lait.»Qui Ă©taient-ils, les zeks ? Des truands chevronnĂ©s pour 10 %, auxquels l'administration allait dĂ©lĂ©guer l'organisation des camps de travail, des politiques» pour 20 % et, pour l'essentiel, 70 %, des pauvres bougres qui avaient volĂ© trois pommes ou deux bouts de pain parce qu'ils ou elles avaient faim», lĂąche Werth qui semble usĂ© par cette histoire qui a transpercĂ© sa basculant du cĂŽtĂ© de l’insubordination sociale», les victimes du Goulag entraient dans une machine devenue indispensable Ă  la rĂ©alisation des grands travaux d’équipement canaux, routes, voies ferrĂ©es ou Ă  la fabrication des outils dont le pays avait besoin pour se hisser au rang des grandes puissances. L’Occident avait ses bagnes minuscules oĂč l’on cassait inutilement des cailloux, l’URSS mettait sur pied une machine Ă©conomique aux dimensions du pays, gigantesque, sur lesquels les juges n’avaient pas droit de regard. Juger impose la proportionnalitĂ© de la peine et un terme Ă  la sanction. Questions oiseuses quand on s’est donnĂ© pour but de faire la rĂ©volution Ă©taient-ils ? 20 millions de femmes dont on a peu parlĂ©, d'enfants dont n'a pas parlĂ© et d'hommes dont on a parlĂ© mais pas assez sont passĂ©s par les camps de l'Administration principale des camps, la GlavnoĂŻĂ© oupravlĂ©niĂ© laguĂ©reĂŻ, dont l'acronyme restera le Goulag». Combien sont morts ? Probablement 4 millions, entre 1929 et 1954, estime Werth, sans prendre en compte les libĂ©rĂ©s» de la derniĂšre minute, celle qui prĂ©cĂ©dait la mort, et les dĂ©tenus abattus par un gardien irascible pour une rĂ©flexion, un geste maladroit ou pour la terreur sans tricherLĂ©nine avait fixĂ© la ligne dĂšs 1922, quelques semaines avant d'installer Staline, maĂźtre de tout en tant que secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ComitĂ© central du Parti communiste et quelques mois avant de mettre en garde ses camarades Le camarade Staline, devenu secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, a concentrĂ© entre ses mains un pouvoir illimitĂ©, et je ne suis pas sĂ»r qu'il puisse toujours s'en servir avec assez de circonspection.» Le 17 mai 1922, dans une note adressĂ©e Ă  Dimitri Ivanovitch Kourski, le commissaire du peuple Ă  la justice, LĂ©nine se veut parfaitement clair Il faut poser ouvertement le principe, juste politiquement - et pas seulement en termes Ă©troitement juridiques -, qui motive l'essence et la justification de la terreur, sa nĂ©cessitĂ©, ses limites. Le tribunal ne doit pas supprimer la terreur [
] mais la fonder, la lĂ©galiser dans les principes, clairement, sans tricher ou farder la vĂ©ritĂ©.»Dessin rĂ©alisĂ© par un zek» au camp du Karlag, en 1953. Photo MĂ©morial de MoscouDessin rĂ©alisĂ© par un zek» au camp du Karlag, en 1953. Photo MĂ©morial de il est toujours possible d’ergoter pour fixer le point de dĂ©part et le point d’arrivĂ©e de l’entreprise. Quand finit l’utopie politique, quand commence le cauchemar concentrationnaire. Nicolas Werth a passĂ© douze annĂ©es de sa vie Ă  Moscou et a remuĂ© des centaines de milliers de pages des archives du Goulag, ouvertes aux chercheurs au dĂ©but des annĂ©es 90. Il a longtemps tournĂ© autour de la question et laisse Ă  chacun sa rĂ©ponse. Faut-il prendre 1918 et l’ouverture des camps des Ăźles Solovki ? L’annĂ©e 1923, quand les camps de travail prennent forme, ou 1929, quand l’administration centrale se met en place ? Peu qu'il faut, c'est rendre compte de la rĂ©alitĂ©. Au fond, les faits sont connus. Nicolas Werth a Ă©tĂ© l'un des douze auteurs de la monumentale Histoire du Goulag en sept volumes initiĂ©e par les Archives d'Etat de la FĂ©dĂ©ration de Russie. Alors, comment aller au-delĂ  de la restitution d'archives bien tenues par une administration tatillonne, remplies de nombres mesurant la productivitĂ© des vivants ?En principe, l'historien reste froid et Ă©vite cette Ă©motion qui fait la littĂ©rature mais pas l'histoire. Nicolas Werth l'admet On peut parler de mĂ©fiance, de dĂ©fiance de l'historien vis-Ă -vis de l'Ă©criture littĂ©raire. » Et il ajoute, avec l'espiĂšglerie du vieux chercheur impatient de connaĂźtre la rĂ©action de ses pairs, qu'il voulait dresser un tableau complet». D'oĂč l'idĂ©e de rapprocher des textes de Varlam Chalamov RĂ©cits de la Kolyma, d'EvguĂ©nia S. Guinzbourg le Vertige, de Jacques Rossi le Manuel du Goulag, de Nina Gagen-Torn Memoria ou d'Alexandre SoljĂ©nitsyne l'Archipel du Goulag des rapports Jurgenson, les grands textes sur le Goulag Ă©chappent Ă  l'opposition entre fiction et document», comme elle l'Ă©crit dans la prĂ©face des RĂ©cits de la Kolyma parus en 2003 chez Verdier. Quand on lui dit qu'il faudrait parler de littĂ©rature administrative», elle tique, mais admet que la sĂ©cheresse du fonctionnaire d'Etat Ă  quelque chose de saisissant. ImmĂ©diatement, elle s'attache Ă  Ă©riger un mur entre les deux regards portĂ©s sur le Goulag et rappelle que Chalamov, son protĂ©gĂ©, a prĂ©cisĂ©ment recherchĂ© dans son Ă©criture un dĂ©pouillement, un vide, un effacement des effets pour obtenir plus de le livre, la phrase de Chalamov, qui prĂ©cĂšde le tableau des enfants morts, souligne Ă  elle seule l'Ă©conomie de mots de l'auteur, comme pour dire qu'il ne lui reste que des mots de pauvres L'enfant n'avait rien vu, rien retenu d'autre que les maisons jaunĂątres, le fil de fer barbelĂ©, les miradors, les bergers allemands, les soldats d'escorte avec leurs mitraillettes et le ciel bleu soutenu.» Par son histoire, l'Ă©crivain relie les deux Ă©critures, littĂ©raire et administrative, lui qui, au goulag, a passĂ© des journĂ©es Ă  retranscrire des comptes rendus d'audience de procĂšs expĂ©ditifs dont la sentence prĂ©cĂ©dait l'examen de faits inexistants. Cela lui Ă©vitait une journĂ©e de travail Ă  remuer des tonnes de terre pour dĂ©nicher une pĂ©pite d' cette administration, chaque piquet enfoncĂ© pour la construction d'un canal semble avoir donnĂ© lieu Ă  un rapport, Ă  tel point que Werth parle d'une civilisation du rapport». Une qualification qui renvoit Ă  la critique de l'anarchiste ukrainien Nestor Makhno, qui parlait de la rĂ©volution de papier» pour Ă©voquer ces rĂ©volutionnaires de Moscou qui avaient lu des livres et qui allaient construire une gigantesque montagne avec les archives de l' lecture des otchenost, les comptes rendus administratifs», est parfois saisissante. Ainsi, dans un rapport de l'OGPOU, la Direction centrale de la police politique dĂ©nonce des conditions de vie Ă©pouvantables aux Ăźles Solovki, assurant que les dĂ©tenus sont soumis Ă  un un traitement insupportable, voire criminel». Les Ă©missaires venus de Moscou Ă©voquent la peur panique [des prisonniers] Ă  s'exprimer». Nous sommes en avril 1930. C'Ă©tait les premiĂšres annĂ©es de l'administration, ils n'Ă©taient pas encore habituĂ©s. La routine viendra aprĂšs», explique Gorki, les camps sont nĂ©cessairesMaxime Gorki, Ă©crivain officiel, en visite au mĂȘme endroit la mĂȘme annĂ©e voit, lui, tout autre chose Nous avons montĂ© une expĂ©rience passionnante qui a dĂ©jĂ  donnĂ© des rĂ©sultats incontestablement positifs. [
]. La conclusion me semble s'imposer les camps tels que les Solovki [
] sont nĂ©cessaires. C'est par cette voie que l'Etat parviendra rapidement Ă  l'un de ses objectifs fermer les prisons.»On peut donc toujours fĂȘter la rĂ©volution de 1917 quand le peuple russe se soulĂšve contre une guerre absurde. C'Ă©tait en fĂ©vrier, les socialistes, les sociaux-dĂ©mocrates, les anarchistes et les bolcheviks se lançaient cĂŽte Ă  cĂŽte dans la bataille contre les soldats du tsar. Quant Ă  fĂȘter octobre 1917, il y a un pas difficile Ă  franchir. Vladimir Poutine a lui choisi de ne fĂȘter ni fĂ©vrier ni octobre 1917 quand il a dĂ©clarĂ© le 27 juin 2012 Notre pays a perdu cette guerre [la PremiĂšre Guerre mondiale, ndlr] face aux vaincus. Nous avons capitulĂ© face Ă  l'Allemagne juste avant qu'elle ne capitule devant l'Entente. Cette aberration historique est le rĂ©sultat de la trahison du gouvernement bolchevique.» La Russie est un pays qui enterre sa propre histoire. Raison de plus pour ouvrir le Goulag. 1 L'URSS fĂȘtait l'anniversaire de la rĂ©volution d'Octobre le 7 novembre, correspondant au 25 octobre dans le calendrier julien utilisĂ© Ă  l'Ă©poque.
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JosephStaline (1878-1953) fut le chef dictatorial de l'Union soviĂ©tique pendant un quart de siĂšcle, de la fin des annĂ©es 1920 jusqu'Ă  sa mort en 1953.La mĂ©fiance de Staline envers les gouvernements occidentaux, ses nĂ©gociations peu sincĂšres Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale et sa dĂ©termination Ă  Ă©tendre le communisme soviĂ©tique Ă  l'Europe de l'Est ont Ă©tĂ© Il s'agit de complĂ©ter cette grille de mots croisĂ©s avec quelques mots en relation avec NoĂ«l BOUGIE, BOULE, BUCHE, CADEAU, CHEMINEE, CHOCOLAT, ETOILE, GUIRLANDE, JOUETS, LUTIN, PERE-NOEL, RENNE, SAPIN, TRAINEAU Elle est proposĂ©e ici en deux versions l'une avec des dĂ©finitions textuelles et l'autre avec des images. Cliquez sur l'une des images ci-dessus pour dĂ©marrer l'activitĂ©. Bien entendu, il est possible d'exporter la grille au format PDF. Les liens suivants permettent de tĂ©lĂ©charger la grille de mots croisĂ©s dans les deux versions. A noter que la version avec images a Ă©tĂ© remise en page pour que la grille et les images puissent ĂȘtre contenues sur une seule page. La solution est Ă©galement incluse dans ces fichiers PDF. lectureNoĂ«lvocabulaire Magadanse trouve au bout du monde. Au-delĂ  de la SibĂ©rie. À 10 000 kilomĂštres de Moscou, ce grand village aux abords du cercle polaire
DĂšs leur prise de pouvoir en 1933, aprĂšs l'incendie du Reichstag, les nazis ouvrent des camps de concentration Ă  l'usage de leurs opposants politiques. AprĂšs l'annexion de la Pologne, en septembre 1939, ils crĂ©ent aussi des camps de travail forcĂ© destinĂ©s aux Polonais ainsi qu'Ă  des gĂȘneurs de toutes sortes Juifs en premier lieu, tziganes, homosexuels... Suite Ă  l'invasion de l'URSS, en juin 1941, ils vont multiplier ces camps Ă  l'adresse des prisonniers de guerre soviĂ©tiques, lesquels vont endurer une mortalitĂ© sans Ă©quivalent 1,6 millions de survivants sur prĂšs de six millions de prisonniers. Par ailleurs, ils vont crĂ©er des camps d'extermination immĂ©diate par le gaz pour les Juifs d'Europe occidentale et centrale. AndrĂ© LaranĂ© Des camps de concentration pour les opposants Un total de cinq camps sont construits dans les annĂ©es 1930. Le premier de ces Konzentrazionslager ou KZ est Dachau, aux portes de Munich. Ouvert aprĂšs l'incendie du Reichstag, il est avant tout destinĂ© aux opposants politiques. Theodor Eicke, placĂ© Ă  la tĂȘte des gardes SS du camp dĂšs 1933, va forger une organisation impitoyable qui fera Ă©cole. Viennent ensuite Orianienburg-Sachsenhausen, Buchenwald, FlossenbĂŒrg, RavensbrĂŒck rĂ©servĂ© aux femmes et Mauthausen, en Autriche. En 1939, l'ensemble de ces camps compte 25 000 dĂ©tenus, essentiellement des opposants politiques. Les camps sont placĂ©s sous l'autoritĂ© des SS, la garde prĂ©torienne aux ordres de Heinrich Himmler. Le 10 avril 1934, celui-ci prend aussi le commandement de la sinistre Gestapo abrĂ©viation de Geheime Staatspolizei, police secrĂšte d'État. Par la loi du 25 janvier 1938, l'envoi dans les camps ne relĂšve plus des tribunaux mais de la seule responsabilitĂ© des SS eux-mĂȘmes. Le ReichsfĂŒhrer des SS Himmler et son adjoint Reinhard Heydrich, chef des services de sĂ©curitĂ© vont ainsi constituer un État dans l'État et Ă©tendre l'appareil rĂ©pressif au-delĂ  de l'imaginable, avec bien sĂ»r l'aval de Hitler. PubliĂ© ou mis Ă  jour le 2021-09-20 070707
HorizontalementI. Puisque pour rĂ©soudre une grille de mots croisĂ©s, il faut de la mĂ©thode II. Il s’est fait un nom avec celui de la rose. Pied-Ă -terre entourĂ© d’eau de Sollers
Texte remaniĂ© d’un travail de recherches prĂ©sentĂ© dans le cadre du sĂ©minaire de thĂšse sur “Ecrivains et politique” dirigĂ© par Jean-Pierre AzĂ©ma et Michel Winock annĂ©es 1990. AoĂ»t 1936, AndrĂ© Gide, Jacques Schiffrin, Pierre Herbart, EugĂšne Dabit, Louis Guilloux et Elizabeth Van Rysselberghe. En relisant et remaniant ce texte prĂ©parĂ© dans le cadre d’un sĂ©minaire de thĂšse, je ne peux m’empĂȘcher de penser qu’on sent toutes les influences laissĂ©es par ma formation. Influences de mes lectures de l’époque, Ă  commencer par les travaux de Christophe Charle, invitĂ© au sĂ©minaire cette annĂ©e lĂ . Influence de la “grille gĂ©nĂ©rationnelle” Ă©laborĂ©e par des historiens de Sciences po ou liĂ©s Ă  Sciences po le numĂ©ro de VingtiĂšme siĂšcle d’avril-juin 1989, “Les GĂ©nĂ©rations”. Influences des sources enfin, contingentes de leur Ă©poque les Ă©crits de l’intime et la presse dominent les archives soviĂ©tiques vont s’ouvrir peu aprĂšs. De ce fait, on apprendra peu de choses nouvelles dans ce texte. Cependant, j’ai corrigĂ© des erreurs d’interprĂ©tation concernant Louis Guilloux, en utilisant un travail plus rĂ©cent et fondĂ© sur des sources soviĂ©tiques. Le propos qui nous intĂ©resse ici est d’essayer de mettre en valeur le rĂŽle du “voyage en URSS dans les prises de positions politiques des Ă©crivains engagĂ©s, comme on pourrait le faire pour le voyage français en Allemagne nazie ou en Italie fasciste 1. Cette introduction ne saurait donc ĂȘtre une prĂ©sentation biographique des trois auteurs, mĂȘme centrĂ©e sur l’annĂ©e 1936. Il s’agit avant tout d’un essai d’analyse du rĂŽle du “voyage en URSS” dans les annĂ©es trente. Un “voyage” qui permet de lier Ă©criture, parcours biographique et engagement politique2. Entre 1917 et 1939, plus de 200 textes liĂ©s aux voyages d’auteurs francophones paraissent en France. Certains sortent Ă  compte d’auteur et connaissent une diffusion limitĂ©e, d’autres comme le Retour de l’URSS d’AndrĂ© Gide, sont de vĂ©ritables succĂšs Ă©ditoriaux. Pour la seule annĂ©e 1936, on compte 18 publications chez des Ă©diteurs confirmĂ©s. En 1937, quand Gide modifie son retour d’URSS, on en compte 19 ouvrages aussi divers que le Mea Culpa de CĂ©line ou le tĂ©moignage d’un convaincu comme Jean Pons, communiste et membre des AUS association des Amis de l’URSS3 . En effet, aprĂšs les annĂ©es vingt qui sont celles des premiers visiteurs d’une “Russie soviĂ©tique” encore trĂšs fermĂ©e, l’URSS des annĂ©es trente va organiser le voyage des Ă©trangers pour en faire tout Ă  la fois un moyen de propagande et un moyen d’attirer des devises Ă©trangĂšres. C’est l’époque de la crĂ©ation de l’Intourist 1929 et de la mise en place de circuits modĂšles pour trois jours, trois semaines voire parfois un ou deux mois. C’est un modĂšle trĂšs politisĂ© qui vise Ă  promouvoir un tourisme de masse. Affiche Intourist 1930 A partir de la fin des annĂ©es vingt et du dĂ©but des annĂ©es trente, et encore plus pendant la Grande Terreur, le voyageur a de plus en plus de mal Ă  prendre des contacts hors des circuits officiels pour se faire une idĂ©e de la rĂ©alitĂ© du quotidien soviĂ©tique. Les mĂ©diateurs soviĂ©tiques guides interprĂštes notamment se professionnalisent et sont formĂ©s pour rĂ©pondre Ă  la double-attente de la diplomatie culturelle soviĂ©tique et des voyageurs Ă©trangers4. En effet, tout voyage est un enjeu politique. Il reste, mĂȘme aux pĂ©riodes fastes, l’apanage du petit groupe5 . Il oppose aussi deux “lĂ©gendes” une “lĂ©gende noire” et une “lĂ©gende dorĂ©e”6. AndrĂ© Gide, EugĂšne Dabit, Louis Guilloux et les trois autres intellectuels Pierre Herbart, Jacques Schiffrin et le NĂ©erlandais Jef Last qui voyagent en URSS durant cet Ă©tĂ© 1936, auraient dĂ» ĂȘtre les ardents propagandistes de la “grande lueur qui s’était levĂ©e Ă  l’Est” en 1917. Ils sont invitĂ©s aux frais de la “princesse en guenilles”7. Ils partent ainsi pour ce qui aurait dĂ» ĂȘtre, pour la diplomatie culturelle soviĂ©tique et le parti communiste français, un apogĂ©e de l’engagement gidien. Le sĂ©jour, on le sait, va se transformer en une intolĂ©rable “apostasie”Pour plus de dĂ©tails sur ce sĂ©jour, on peut notamment lire la biographie de Frank Lestringant, AndrĂ© Gide l’inquiĂ©teur, Flammarion, Grandes Biographies », t. I, 2011, ainsi que Sophie CoeurĂ©, “Le voyage en URSS, un exercice de style”, in VĂ©ronique Jobert, Lorraine de Meaux, Intelligenstia. Entre France et Russie. Archives inĂ©dites du XXe siĂšcle, Ecole nationale supĂ©rieure des Beaux-arts, 2012. Interroger l’engagement et le dĂ©sengagement de ces trois Ă©crivains doit aussi nous permettre d’aller Ă  la rencontre de trois itinĂ©raires individuels et d’établir des liens avec le voyage. Ce dernier fournit un motif d’écriture d’un ouvrage Ă  AndrĂ© Gide, comme Ă  Pierre Herbart. Cela ne sera pas le cas pour Louis Guilloux dont le cas est complexe. Le voyage aboutit aussi Ă  la mort tragique d’EugĂšne Dabit en CrimĂ©e. Nous allons malgrĂ© tout nous efforcer de retracer ses impressions. Pour cela, il nous faut prĂ©alablement questionner l’engagement avant le voyage, en Ă©tudiant les trois itinĂ©raires au moment de leur dĂ©part en URSS. Nous verrons ensuite le temps du voyage, qui cristallise Ă  notre sens un “dĂ©sengagement” dĂ©jĂ  prĂ©sent pour Gide du moins et provoque la publication du “Retour de l’URSS”. Pour Louis Guilloux le voyage aboutit Ă  un “dĂ©sengagement en mode mineur” plus complexe qu’il n’y paraĂźt. Avant le voyage en URSS, un engagement Ă  trois voix StratĂ©gies de positionnement sur le champ littĂ©raire On peut tenter une analyse socio-historique des positions de nos trois auteurs. Leur triple engagement est Ă  peu prĂšs contemporain, et peut se dĂ©composer en plusieurs pĂ©riodes. La premiĂšre est marquĂ©e par une intense rĂ©flexion et la recherche d’informations vis-Ă -vis de l’URSS entre 1927 et 1932-1933. Elle est suivie par une pĂ©riode d’engagement actif. En comparant l’engagement gidien Ă  celui de Guilloux, Dabit ou d’autres intellectuels philosoviĂ©tiques, on ne peut qu’ĂȘtre frappĂ© par son caractĂšre tardif et paradoxal. Au moment oĂč Gide prend fait et cause pour le communisme, il a depuis longtemps acquis une place de premier plan dans la vie littĂ©raire française. Il s’agit donc, pour le parti communiste d’un ralliement de premier ordre et qui coĂŻncide en partie avec la politique de “main tendue” aux intellectuels initiĂ©e au moment d’Amsterdam-Pleyel 1932-1933, aprĂšs une pĂ©riode plus sectaire dans la fin des annĂ©es vingt et au tout dĂ©but des annĂ©es trente. Les premiĂšres dĂ©clarations de Gide dans son journal peuvent ĂȘtre datĂ©es Ă  mon sens du 13 mai 1931. S’agit-il de la date rĂ©elle d’une “prise de conscience” ? On ne peut Ă©videmment le certifier, mĂȘme si on retrouve la mĂȘme chronologie dans le tĂ©moignage de Maria Van Rysselberghe. L’engagement public lui est prĂ©cis, puisque Gide publie ses “Pages de journal” dans les numĂ©ros d’étĂ© de la Nrf de 1932. C’est Ă  ce moment lĂ  que la gauche française dĂ©couvre que Gide “aimerait vivre assez pour voir le plan de la Russie rĂ©ussir, et les Etats d’Europe contraints de s’incliner devant ce qu’ils s’obstinaient Ă  mĂ©connaĂźtre“. L’engagement de Gide peut paraĂźtre paradoxal dans le sens oĂč il est tardif8, mais aussi parce qu’on peut se demander ce que Gide recherchait dans son rapprochement avec les communistes. Inauguration de l’avenue Maxime Gorki Ă  Villejuif – Paul Vaillant-Couturier, AndrĂ© Gide et MikhaĂŻl Koltsov le chef de la dĂ©lĂ©gation soviĂ©tique le 30 juin 1935.Fondation Catherine Gide L’HumanitĂ© du 1er juillet 1935, p. 1 Comment expliquer le rapprochement d’un grand bourgeois » aux cĂŽtĂ©s des communistes ? Issu d’une famille bourgeoise, intellectuelle, parisienne et protestante, Gide s’est, pendant de longues pĂ©riodes, tenu Ă  l’écart de la politique mĂȘme s’il s’est engagĂ© aux cĂŽtĂ©s des Dreyfusards. Cela ne signifie pas pour autant chez lui un dĂ©sintĂ©rĂȘt de la chose publique ». De 1896 Ă  1900, il est ainsi maire d’un petit village du Calvados. Par la suite, il fut, Ă  sa demande jurĂ© de la cour d’Assises de Rouen 19129. Enfin, mĂȘme s’il s’agit avant tout de parler de littĂ©rature, on peut Ă©voquer “les annĂ©es 1916-1917 oĂč se noue un dialogue complexe et spĂ©cieux entre Gide et Maurras”10. Dans les annĂ©es vingt, sa vĂ©ritable intervention politique » qui prĂ©cĂšde de peu et explique en partie son engagement aux cĂŽtĂ©s des communistes, est littĂ©raire. C’est par le biais du champ littĂ©raire qu’il choisit en effet de prendre des positions anticoloniales en publiant son Voyage au Congo 1927 et son Retour du Tchad 1928, deux rĂ©cits d’une mission officielle en en 1925 et 1926. A prĂ©sent, je sais, je dois parler » Ă©crit-il dans son journal. Il prĂ©sente un vĂ©ritable rĂ©quisitoire contre la colonisation en Afrique qui va mĂȘme entraĂźner un dĂ©bat Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s. Son engagement communiste est d’abord Ă©galement un engagement littĂ©raire. Au dĂ©but des annĂ©es trente, on l’a dit, Gide est alors un des auteurs rangĂ©s parmi les plus grands de son Ă©poque en France, au mĂȘme titre qu’un Charles PĂ©guy ou un Paul ValĂ©ry. Comme eux, il a derriĂšre lui la plus grande partie de son oeuvre littĂ©raire. Il reste l’un des fondateurs et un des animateurs d’une revue qui fait autoritĂ© en la matiĂšre. Outre une fortune personnelle qui lui a toujours permis d’écrire sans autre souci que l’aboutissement du projet d’écriture, il est Ă©tonnĂ© de pouvoir dire Ă  Maria Van Rysselberghe qu’il pourrait vivre de sa plume. Cette position lui permet donc de faire plus facilement des choix de vie audacieux comme faire accepter son homosexualitĂ© Ă  travers la publication de Corydon en 1924 qu’ils soient personnels ou politiques. Si on suit cette grille sociologique, sa situation privilĂ©giĂ©e sur le champ littĂ©raire lui permet donc de se positionner de façon paradoxale dans le champ politique, et cela, en toute libertĂ©, en accord avec son individualitĂ©, ses idĂ©es. L’itinĂ©raire de Louis Guilloux est Ă  premiĂšre vue moins paradoxal », mĂȘme s’il y a chez Louis Guilloux une ambiguitĂ© sociale » liĂ©e Ă  ses origines et son parcours de vie. Ses origines sont d’une part populaire, et d’autre part, et, c’est aussi important, provinciale. Louis Guilloux, Louis Aragon, et AndrĂ© Gide Ă  la Maison de la culture en dĂ©cembre 1935 Louis Guilloux, Louis Aragon, et AndrĂ© Gide Ă  la Maison de la culture en dĂ©cembre 1935. BibliothĂšques de Saint-Brieuc -Fonds Louis Guilloux C’est avec Jean Giono et Jean GuĂ©henno l’un des rares Ă©crivains d’origine populaire Ă  prĂ©tendre Ă  une certaine cĂ©lĂ©britĂ© dans les annĂ©es trente. Il naĂźt en effet Ă  Saint-Brieuc dans un milieu d’artisans engagĂ©s. Son pĂšre est cordonnier et socialiste candidat SFIO aux municipales de 1909. Louis Guilloux enfant, baigne donc en partie dans un milieu d’extrĂȘme-gauche provincial et populaire. Bon Ă©lĂšve, boursier il entre au lycĂ©e en 1912, il aurait pu profiter de cet instrument de promotion sociale qu’est l’école rĂ©publicaine, s’il n’avait dĂ©cidĂ© Ă  16 ans de gagner sa vie. Il fait alors divers mĂ©tiers et finit par Ă©migrer » pour se fixer Ă  Paris oĂč il devient traducteur d’anglais pour L’Instransigeant. C’est en 1926 qu’il dĂ©cide de s’engager dans le champ littĂ©raire11. Il frĂ©quente alors des Ă©crivains comme Jean Grenier, rencontrĂ© Ă  Saint-Brieuc pendant la guerre, Fernand Divoire qui dirige L’Instransigeant ou AndrĂ© Chamson. En 1927, il envoie le manuscrit de La Maison du peuple » Ă  Daniel HalĂ©vy qui le transmet Ă  GuĂ©henno qui dirige une nouvelle collection chez Grasset, oĂč le livre va paraĂźtre Les Ecrits. En juin 1927, il obtient tout Ă  la fois la bourse Blumenthal et un contrat mensualisĂ© avec les Ă©ditions Grasset. Il dira lui mĂȘme beaucoup plus tard En 1927, l’écriture est devenu mon mĂ©tier. Cela l’est restĂ© depuis. » Un travail d’écriture trĂšs large puisqu’il comprend plus d’une vingtaine d’ouvrages romans, piĂšces et essais, de nombreuses traductions de l’anglais ou de l’italien, des prĂ©faces et de multiples textes parus dans des revues comme la Nrf, Esprit, Europe et surtout Commune. Il va aussi tenir briĂšvement la rubrique littĂ©raire pour le quotidien Ce Soir jusqu’en aoĂ»t 1936. Bureau de Louis Guilloux dans sa maison du 13 rue Lavoisier Ă  Saint-Brieuc oĂč le couple emmĂ©nage en 1932. site de la ville de Saint-Brieuc – Maison Louis Guilloux. Dans les annĂ©es trente, Louis Guilloux est donc un Ă©crivain et un Ă©crivant qui parait largement reconnu dans le champ littĂ©raire, sans ĂȘtre un auteur Ă  succĂšs. France Culture Louis Guilloux un dĂ©gradĂ© de positions proprement politiques – avec Jean-Baptiste Legavre Cette ouverture rapide du champ littĂ©raire Ă  un homme qui en Ă©tait doublement Ă©loignĂ© par ses origines sociale et gĂ©ographique doit ĂȘtre analysĂ©e. Sans aller jusqu’à parler de stratĂ©gie littĂ©raire, cette trajectoire peut nĂ©anmoins en partie s’expliquer par les choix littĂ©raires de Louis Guilloux. En effet, lorsqu’il quitte Saint-Brieuc, il a conscience de la distance qui le sĂ©pare du monde littĂ©raire parisien. MĂȘme si Louis Guilloux a par la suite cultivĂ© son personnage littĂ©raire de franc-tireur »12, dans ses souvenirs posthumes, publiĂ©s sous le titre L’Herbe d’oubli, il y a bien un malaise entre l’écrivain Guilloux et Louis Guilloux, le fils d’un modeste artisan breton. Il Ă©crit Je sentais vivement que le hasard qui m’avait fait naĂźtre et grandir dans une petite ville de province Ă  prĂšs de cinq cents kilomĂštres de Paris Ă©tait responsable d’un immense retard dont j’étais la victime, mais en mĂȘme temps, je me disais que le dommage pouvait se rĂ©parer, pour cela, il ne tenait qu’à moi, si j’avais le simple courage de profiter de la premiĂšre occasion qui s’offrirait de prendre mon billet pour Montparnasse. »13 Jean-Baptiste Legavre dir, Louis Guilloux politique, PUR, 2016En couverture, portrait de Louis Guilloux par EugĂšne Dabit, 1935. Et, pour mieux pĂ©nĂ©trer le microcosme » littĂ©raire qui le fascine, il s’installe dans le quartier de Saint-Germain des PrĂ©s sur la Rive Gauche oĂč rĂ©sident les intellectuels. De 1921 Ă  1927, il s’intĂšgre dans le groupe des Vorticistes » oĂč il s’entraĂźne au mĂ©tier d’écrivain. Le groupe mĂ©prise les surrĂ©alistes, les dadaĂŻstes notamment pour leur aisance toute parisienne et parce qu’ils sont dĂ©jĂ  en place. Mais cela ne suffit pas. Il ne faut pas oublier que Guilloux ne possĂšde aucun titre universitaire ou scolaire, en dehors de son certificat d’études. Cela le marginalise au sein mĂȘme de son groupe Jean Grenier est agrĂ©gĂ© de philosophie, AndrĂ© Chamson est chartiste. Guilloux n’a jamais Ă©tĂ© un Ă©tudiant, et avant d’entrer Ă  L’Intransigeant, il est d’abord Ă©chotier Ă  L’Excelsior Ă  cinq sous la ligne. C’est donc en choisissant de raconter son milieu social Ă  travers ses romans, qu’il va intĂ©resser les milieux littĂ©raires et peu Ă  peu s’y intĂ©grer. Comme Giono ou GuĂ©henno, le fils du cordonnier de FougĂšres », commence donc sa carriĂšre en racontant son enfance et l’univers d’artisans et de militants socialistes de son pĂšre. Un tĂ©moignage vĂ©ridique qui, dans la fin des annĂ©es vingt et le dĂ©but des annĂ©es trente, pourrait s’inscrire dans le courant prolĂ©tarien ou dans le courant du populisme d’AndrĂ© ThĂ©rive. Ce parcours et ces choix littĂ©raires, vont donc logiquement de pair avec un parcours politique qui tente lui aussi de concilier des origines provinciale et populaire et l’accession au statut d’intellectuel. Pour le dire autrement, en s’engageant aux cĂŽtĂ©s du parti communiste, Louis Guilloux tente ainsi de rĂ©soudre l’ambiguitĂ© qui subsiste entre ses origines et un milieu intellectuel qui le fascine14. Dans la version publiĂ©e de ses carnets largement réécrits on le sait, comme dans ses premiĂšres oeuvres, on voit que Guilloux s’intĂ©resse Ă  la politique. Au dĂ©but des annĂ©es trente, il s’engage en Bretagne contre les ventes-saisies et dans des actions en faveur des chĂŽmeurs. Il n’y a cependant que peu de trace dans ses carnets publiĂ©s d’activitĂ©s politiques particuliĂšres. C’est la reconnaissance littĂ©raire qui va entraĂźner un engagement politique Ă  l’échelle nationale. Dans la logique de son oeuvre, celui-ci se situe Ă  l’extrĂȘme-gauche de l’échiquier politique. Pourtant, Louis Guilloux ne va jamais adhĂ©rer Ă  un quelconque parti. Et son engagement politique parisien, est, me semble-t-il, toujours en retrait. Regards, 18 juin 1936, Gallica Mon hypothĂšse est donc celle d’un engagement sur un mode mineur, tout au moins au niveau parisien. En effet, si Guilloux est bien le secrĂ©taire du premier CongrĂšs mondial des Ecrivains pour la dĂ©fense de la culture en juin 193515, s’il collabore activement Ă  Commune, puis au journal Ce soir, son activitĂ© militante parisienne semble relativement modeste et trĂšs littĂ©raire. Elle contraste avec ses engagements bretons. Il faut se rappeler que de 1935 Ă  1940, Louis Guilloux est responsable du Secours Rouge international pour les CĂŽtes du Nord. Un engagement politique local trĂšs concret qui convient peut-ĂȘtre finalement mieux Ă  Guilloux. A la fin de 1936, il quitte ainsi en quelque sorte Paris et les milieux littĂ©raires parisiens pour renouer avec ses origines sociales », un peu “reniĂ©e” auparavant. D’oĂč une oeuvre qui reste trĂšs ancrĂ©e dans une rĂ©alitĂ© provinciale tout en s’éloignant du modĂšle littĂ©raire rĂ©aliste socialiste »16. On peut reprendre cette grille d’analyse pour EugĂšne Dabit qui a lui aussi des origines sociales modestes. On le sait, ses parents sont des au dĂ©part des ouvriers-employĂ©s parisiens sa mĂšre est couturiĂšre puis concierge, son pĂšre est cocher-livreur. Mais Dabit est bien un enfant des quartiers populaires de Paris et non d’une petite ville provinciale Faubourgs de Paris. Cependant,allant mĂȘme plus loin que Guilloux, alors qu’il est un bon Ă©lĂšve, il refuse d’aller au delĂ  du certificat d’études en 1912, souhaitant », avec l’approbation de son pĂšre, apprendre un mĂ©tier. Il est donc, avant la guerre, apprenti dans un atelier de serrurerie oĂč l’on fait la journĂ©e des dix heures »17. La guerre est Ă©videmment une cĂ©sure sur laquelle nous reviendrons. DĂ©mobilisĂ© en dĂ©cembre 1919, il dĂ©cide de se consacrer Ă  l’art, mĂȘme s’il s’initie parallĂšlement Ă  la littĂ©rature sous l’influence du peintre Christian Caillard, le neveu d’Henri Barbusse qu’il a rencontrĂ© en 1921. Il partage avec son ami, une mĂȘme vision critique du dĂ©sordre du monde et une conception sociale de l’art . 1922-1923 sont des annĂ©es oĂč il est devenu massier18. Ses parents possĂšdent alors l’hĂŽtel au bord du canal Saint-Martin qui fera la cĂ©lĂ©britĂ© de Dabit. Aquarelle d’EugĂšne Dabit, Ma femme. Vendue en 1961 par BĂ©tarice Appia-Dabit. Revendue par Artcurial le 3 novembre 2009. En 1924, il se marie Ă  BĂ©atrice Appia, une artiste comme lui, rencontrĂ©e aux ateliers de la Grande-ChaumiĂšre. En 1925, tout en frĂ©quentant le groupe des peintres du PrĂ© Saint-Gervais » qui se retrouvent dans un atelier de Belleville19, il commence Ă  Ă©crire20. MĂȘme s’ils ont pour une partie d’entre eux Ă©tĂ© formĂ©s Ă  Montparnasse, les artistes du groupe sont donc trĂšs Ă©loignĂ©s de la Rive Gauche comme Dabit le souligne dans Faubourgs de Paris. Son entrĂ©e dans le champ littĂ©raire ne peut donc qu’ĂȘtre progressive et, au dĂ©part, il occupe une position marginale. C’est en fait grĂąces Ă  AndrĂ© Gide et Ă  Roger Martin du Gard, qui vont lui servir de mentors littĂ©raires et de guides, qu’il entre vĂ©ritablement en littĂ©rature ». AprĂšs une premiĂšre rencontre en fĂ©vrier 1927, Dabit soumet Ă  Gide le projet d’HĂŽtel du Nord. Ce dernier demande ensuite Ă  Martin du Gard de corriger le manuscrit. EugĂšne Dabit, L’HĂŽtel du Nord, Eaux-fortes de RĂ©my HĂ©treau, DenoĂ«l, 1944. Comme Guilloux, sans surprise, Dabit entre donc en littĂ©rature en choisissant de se raconter, et en intĂ©ressant des Ă©crivains d’origine bourgeoise par sa singularitĂ©. On le sait, le livre qui paraĂźt chez DenoĂ«l en 1929 est un succĂšs critique. Il est rééditĂ© en 1931 et paraĂźt en feuilleton la mĂȘme annĂ©e dans Le Peuple du 15 au 19 juillet 1931. Dabit obtient Ă©galement le 18 mai 1931, le premier prix populiste ». La parution de Petit-Louis en 1930 conforte sa position sur le champ littĂ©raire, mĂȘme si ce n’est qu’en 1932 qu’il obtient un contrat de trois ans chez Gallimard. Un contrat qui, si on se fonde sur sa correspondance avec Roger Martin du Gard, est particuliĂšrement avantageux puisqu’il va lui permettre quelques temps de vivre de sa plume. Sa notoriĂ©tĂ© lui permet Ă©galement, Ă  partir de cette date, d’écrire des articles de critiques d’art, des reportages, des essais dans des pĂ©riodiques de gauche comme Europe, Marianne, Regards, Vendredi, et Esprit, mais aussi dans Les Nouvelles littĂ©raires, et mĂȘme Paris-Soir et Gringoire21. Regards, 6 juin 1935Gallica Surtout aprĂšs 1935, il a donc une position d’écrivain qui s’accompagne, pour des raisons d’abord financiĂšres, d’une position d’écrivant ». Quant Ă  moi, je pense que j’aurais bientĂŽt mes petits ennuis. Mon contrat avec Gallimard se termine en fĂ©vrier. Je doute fort que Gaston Gallimard m’en refasse un aussi avantageux [
] Il me donne 800 francs par mois. Mais mes livres se vendent Ă  2000 ou 2500 exemplaires, jamais plus. Ce qui, Pierre Bardel a fait le calcul, au prix de la collection Blanche 15 F. fait que la somme dĂ©volue pour droits d’auteur aurait du ĂȘtre de 4000 ou 5000 F et non faites le calcul de 9600 F.»22. MalgrĂ© tout, comme Guilloux, Dabit est bien devenu un Ă©crivain Ă  part entiĂšre en 1936. Une position qui est liĂ©e Ă  un choix littĂ©raire qui s’accompagne assez logiquement d’un engagement politique aux cĂŽtĂ©s du parti communiste. Cet engagement lui apporte en effet une nouvelle reconnaissance sociale, sans pour autant lui fermer les portes de Gallimard qui publie Ă  l’époque Aragon ou Nizan et qui compte dans ses rangs des employĂ©s communistes comme Brice Parain
 Ce rapprochement se fait avant tout Ă  travers des organismes liĂ©s aux intellectuels. En effet, aprĂšs un court passage aux cĂŽtĂ©s du groupe des Ă©crivains prolĂ©tariens, il adhĂšre Ă  l’AEAR en 1933 et multiplie les articles dans des organes de presse communistes ou proches du parti communiste. L’AEAR semble bien Ă  l’époque le lieu oĂč Ă©crivains et artistes ont le sentiment de faire fusionner Ă©criture et action politique. Une Ă©criture qui se veut Ă©videmment porteuse d’un message social. Dans son journal23, Ă©voquant les discussions Ă  l’AEAR, il Ă©crit Je ne demande pas mieux que de m’engager. C’est ma voie naturelle que je suis ; je sens que je puis faire un travail utile et en fonction mĂȘme de mes besoins d’artiste, de crĂ©ateur, pour tout dire, qui ne sont pas autres que mes besoins d’hommes. » Dans les trois cas, les positions de nos Ă©crivains sur le champ littĂ©raire peuvent ainsi partiellement expliquer leur engagement politique. Pour Gide, il se fait “en toute libertĂ©â€, alors que pour Guilloux et Dabit, il paraĂźt plus “contraint” tout en restant trĂšs cohĂ©rent avec leur itinĂ©raire personnel et leurs choix littĂ©raires. Trois gĂ©nĂ©rations d’écrivains AprĂšs 1932, Dabit, issu d’un milieu populaire et choisissant de le raconter, est logiquement favorablement accueilli par les intellectuels communistes français. Mais son itinĂ©raire personnel et littĂ©raire n’explique pas tout. Dabit est nĂ© en 1898. Il a donc 16 ans en 1914. Or, sur les conseils de son pĂšre, pour choisir son arme, il devance l’appel. Il devient ainsi un homme de la gĂ©nĂ©ration du feu » pour qui la guerre change brutalement beaucoup de choses. Le thĂšme de la mort l’obsĂšde. AndrĂ© Gide dans son article de la Nrf du 1 octobre 1936 rapporte que Dabit parlait de la mort sans cesse comme pour un inquiet besoin de la repousser en pensĂ©e. » Pierre Herbart Ă©voque lui24 son sens aigu presqu’animal de la vie ». Une mort trĂšs prĂ©sente dans son oeuvre et qui se rattache Ă  cette expĂ©rience de la guerre25 Regards, 3 septembre 1936, article d’EugĂšne Dabit sur la guerre de 1914. Gallica La guerre provoque donc un sentiment pacifiste virulent qui, s’il peut le rapprocher des communistes toujours trĂšs antimilitaristes en 1932-33, aurait pu jouer de plus en plus en sens inverse en 1936. Proche d’un Roger Martin du Gard sur ce plan, Dabit s’engage donc lui aussi sur un mode mineur. Ainsi, par exemple, si en 1932 il participe Ă  des rĂ©unions de l’ communiste Ă  Paris, il refuse, l’annĂ©e suivante, de faire partie du ComitĂ© contre la guerre et le fascisme. Il rapporte Ă  ce propos dans son Journal26 un Ă©change de lettres avec Barbusse, qui l’a nommĂ© membre sans son accord. Ces rĂ©flexions sont signifiantes. Elle prouve sa volontĂ© de conserver une libertĂ© d’action, en particulier sur cette question du pacifisme. Je puis faire un bon Ă©crivain, peut-ĂȘtre ; un politicien, un agitateur, un homme public, non 
 Pour Henri Barbusse toute l’activitĂ© est politique. Il importe plus d’ĂȘtre en accord avec moi, qu’avec lui. » Guilloux est lui nĂ© trop tard pour appartenir Ă  la gĂ©nĂ©ration du feu » mĂȘme s’il en est proche il est maĂźtre d’internat au lycĂ©e de Saint-Brieuc entre 1916 et 1918. Il n’appartient pas non plus Ă  la gĂ©nĂ©ration de la crise des annĂ©es trente qui trouve dĂ©jĂ  en lui un homme mĂ»r. C’est donc en quelque sorte un frĂŽleur de gĂ©nĂ©ration qui ne semble pas bouleversĂ© par la RĂ©volution d’Octobre de 1917, au point de s’engager politiquement mĂȘme si elle est importante dans son oeuvre. Cette absence de greffe gĂ©nĂ©rationnelle » peut-elle nous servir Ă  expliquer son refus d’adhĂ©rer au parti communiste ? Gide, le plus ĂągĂ© des trois fait partie de la gĂ©nĂ©ration qui se rĂ©vĂšle intellectuel » au moment de l’Affaire Dreyfus. Il fait partie de cette France de la justice, des droits de l’homme et de l’égalitĂ©. C’est bien avant tout un Gide humaniste qui s’engage aux cĂŽtĂ©s des communistes. Selon ses propres mots, c’est d’abord la prise de conscience de l’injustice sociale qui l’amĂšne Ă  ce rapprochement. En 1932, il Ă©crit Pourquoi je souhaite le communisme ? Parce que je le crois Ă©quitable et parce que je souffre de l’injustice, et je ne la sens jamais tant que lorsque c’est moi qu’elle favorise. » Il le rĂ©pĂšte en juillet 1933, toujours dans son Journal27 D’humeur et de tempĂ©rament, je ne suis rien moins que rĂ©volutionnaire. Au surplus, je n’ai personnellement qu’à me fĂ©liciter de l’état de choses. Mais, voyez-vous, ce qui me gĂȘne ; c’est prĂ©cisĂ©ment Ă  m’en fĂ©liciter 
 Cela fait encore partie de son argumentation en 1935, lors d’une rĂ©union contradictoire de l’Union pour la vĂ©ritĂ©. L’engagement vu Ă  travers les Ă©crits intimes de l’écrivain Aussi, cet engagement gidien porte-t-il sans doute dĂ©jĂ  les contradictions qui peuvent expliquer son rejet ultĂ©rieur. Un rejet qui se cristallise durant le voyage en URSS, mais dont on peut dĂ©jĂ  suivre le cheminement dans son journal lĂ  encore. Ce dernier permet en effet de prĂ©ciser l’évolution du rapport de Gide Ă  l’idĂ©e communiste. Le temps fort de sa rĂ©flexion se situe durant l’annĂ©e 1932. En juillet 193228 , il se dit obsĂ©dĂ© par le problĂšme de l’URSS et par le communisme. Cet Ă©tat d’esprit persiste en 1933 oĂč de nombreux passages tĂ©moignent de son admiration Ă  l’égard de l’URSS, applaudissant » par exemple un discours de Staline. Deux groupes d’idĂ©es dominent sa rĂ©flexion. Il s’agit tout d’abord de concilier un communisme bien compris » avec un individualisme bien compris »29. Une perception trĂšs gidienne » et peu doctrinale du communisme30. Par ailleurs, Gide cherche dans le communisme ce qu’il n’a pu trouver dans le christianisme, c’est-Ă -dire un christianisme compris comme une religion de justice et de fraternitĂ©. Pour lui, en effet, le communisme n’aurait pas de raison d’ĂȘtre si le christianisme n’avait pas failli. »31 Il “s’exclame” ainsi en juillet 1932 Mais il faut bien que je le dise, ce qui m’amĂšne au communisme, ce n’est pas Marx, c’est l’Evangile. » On retrouve cette argumentation Ă  de multiples reprises. En juin 1933, il ajoute cependant En ce sens, l’on a parfaitement raison de parler d’une conversion ». Car tout comme celle au catholicisme, la conversion au communisme implique une abdication du libre examen, une soumission au dogme, la reconnaissance d’une orthodoxie. Or, toutes les orthodoxies me sont suspectes. » Cette suspicion ne va faire que s’accroĂźtre Ă  partir de 1933-34, alors que, paradoxalement, Gide est de plus en plus sollicitĂ© pour participer Ă  des meetings, des rĂ©unions et qu’officiellement il multiplie les tĂ©moignages favorables. On trouve de nombreux indices de ses rĂ©serves dans son journal . Ainsi en 1935, C’est aussi, c’est beaucoup la bĂȘtise et la malhonnĂȘtetĂ© des attaques contre l’URSS qui font qu’aujourd’hui nous mettons quelque obstination Ă  la dĂ©fendre. » Ou, cette phrase Ă©crite un peu avant le voyage en URSS en 1936 La propagande de l’URSS n’est pas toujours trĂšs adroite c’est excusable seulement si l’on songe Ă  la jeunesse du peuple russe, Ă  la nouveautĂ© de son effort. » On trouve Ă©galement de nombreux signes de ses rĂ©serves dans les Cahiers de La Petite dame » Maria Van Rysselberghe. Par ailleurs, cette pĂ©riode d’engagement coĂŻncide avec une pĂ©riode moins faste d’un point de vue littĂ©raire. DĂšs la fin de 1930, il Ă©crit Certainement, je ne suis plus tourmentĂ© par un impĂ©rieux dĂ©sir d’écrire. Le sentiment que le plus important reste Ă  dire » ne m’habite plus comme autrefois et je me persuade au contraire que je n’ai peut-ĂȘtre plus grand chose Ă  ajouter Ă  ce qu’un lecteur perspicace peut entrevoir dans mes rĂ©cits. » Si son journal reflĂšte ses prĂ©occupations et tĂ©moigne de ses nombreuses lectures, il prouve aussi que l’engagement politique de Gide le distrait » de son mĂ©tier d’écrivain. Cet engagement politique, s’accompagne d’ailleurs de multiples voyages, parfois politiques, parfois purement rĂ©crĂ©atifs Sicile, Maroc, Allemagne, Suisse. Tout ceci dĂ©tourne alors temporairement Gide du roman. Ainsi GeneviĂšve commencĂ© en 1931, est toujours en chantier au moment du voyage en URSS ! Au contraire, l’engagement politique parisien de Louis Guilloux coĂŻncide avec la publication d’un roman souvent considĂ©rĂ© comme son chef d’oeuvre » et pour lequel les communistes vont se battre pour le dĂ©fendre32. Mais, si le roman Ă©voque un dĂ©part en URSS du hĂ©ros, il faut attendre l’aprĂšs guerre, avec Le Jeu de Patience 1949 et Les Batailles perdues 1960 pour voir apparaĂźtre la pĂ©riode des annĂ©es trente dans ses romans. Et, contrairement Ă  Gide, Guilloux, on l’a dit, Ă©voque peu son engagement dans ses carnets33. Il semble qu’il ne cherche pas Ă  l’expliquer Ă  tout prix. Ces carnets contiennent de multiples notes sur des sujets divers, de politique intĂ©rieure et extĂ©rieure. Il rapporte surtout des choses vues ou vĂ©cues dans la rue, en insistant sur la misĂšre ouvriĂšre et paysanne. Mais on a beaucoup de mal Ă  reconstituer l’emploi du temps de l’écrivain en se fondant sur ses notes. Plus largement, L’Herbe d’oubli, texte inachevĂ© il est vrai, fait peu de place Ă  la pĂ©riode des annĂ©es trente qui va de fĂ©vrier 1930 au dĂ©but de l’annĂ©e 1936 elle ne couvre que 55 pages. Il n’y Ă©voque pas le voyage. L’annĂ©e 1936 est rapidement balayĂ©e en 12 pages, alors que l’annĂ©e 1937, oĂč Guilloux est retournĂ© Ă  Saint-Brieuc, est plus minutieusement Ă©voquĂ©e en 75 pages. On voit Guilloux militer au quotidien Ă  la tĂȘte du Secours rouge de la rĂ©gion briochine. Que dire de cette Ă©criture intime relativement “ouatĂ©e” sur son engagement ? TĂ©moigne-t-elle du relatif malaise de Louis Guilloux dans cet univers intellectuel parisien engagĂ© ? Les notes de 1937 Ă©clairent-elles finalement un dĂ©sir plus ou moins conscient de se fondre Ă  nouveau dans son groupe social d’origine, et de mettre sa vie en accord avec ses principes ? Pour EugĂšne Dabit, le Journal intime » est comme pour Gide l’occasion de faire le point sur son engagement. Est-il Ă©crit pour ĂȘtre publiĂ© comme celui de Gide ? Difficile de trancher. Si en 1932, Dabit se proclame rĂ©volutionnaire, les rĂ©flexions, dĂšs 1933-1934, ne montrent pas un militant confiant, mais un homme dĂ©sabusĂ© et pessimiste. Un pessimisme qui est d’abord la traduction d’un malaise personnel et de la peur de l’avenir. 8 mai 1935 En cas de mobilisation, je pars immĂ©diatement et sans dĂ©lai ». Je n’ai rien oubliĂ© de mes trois annĂ©es de service militaire, de la guerre. Mais aujourd’hui, ma haine est plus forte, plus grand mon dĂ©sespoir. C’est la nuit, celle de la mort, qui menace de nous envelopper tous. Oui, la haine
 aussi le dĂ©sespoir 
 Horreur, bassesse de tout un rĂ©gime, d’une sociĂ©tĂ© hypocrite oĂč se mĂȘlent prĂȘtres, financiers, industriels, gĂ©nĂ©raux, qui trahissent les nobles idĂ©es, qui trafiquent. J’appelle de tous mes voeux la fin de ce monde. Elle viendra. Quand ? Ah, qu’importe ! Le rĂ©sultat final ne fait aucun doute. Et, c’est dans le sang et d’abominables horreurs, que sombrera cette sociĂ©tĂ© – contre laquelle vivant, je ne cesserai de lutter avec les armes que m’a donnĂ©es le destin. » Le voyage en URSS, cristallisation d’un dĂ©sengagement ? RĂ©cits de voyage DĂšs le dĂ©but de son engagement public, Gide va ĂȘtre sollicitĂ© pour partir en URSS par des communistes comme Ilya Ehrenbourg en 1933, ou comme Aragon et bien sĂ»r Aleksandr Arosev, le directeur de la VOKS en 193534. Gide est bien avec Romain Rolland ce que l’on pourrait appeler le plus beau fleuron de la “politique de main tendue” aux intellectuels. Ainsi, en juin 1933, dans les colonnes de Russie d’Aujourd’hui, la revue des Amis de l’URSS, on rĂ©pond Ă  un ouvrier qui s’étonne d’entendre parler de Gide dans des colonnes communistes. On lui explique que depuis quelques annĂ©es celui-ci se rapproche de plus en plus de l’URSS ». Et, ajoute le chroniqueur, c’est sans contredit, l’écrivain le plus Ă©coutĂ©, le plus cĂ©lĂšbre de France
 Un homme d’une sincĂ©ritĂ© insoupçonnable. Son adhĂ©sion, son courage dans la dĂ©fense de l’URSS sont l’indication certaine que les cercles intellectuels ne purent dĂ©cidĂ©ment, s’ils veulent penser honnĂȘtement, continuer Ă  croire en la lĂ©gitimitĂ© du capitalisme 
 Mesurez alors, l’importance de ses dĂ©clarations, l’appui Ă©norme qu’il donne Ă  l’URSS et au marxisme. » Le philosoviĂ©tisme de Gide aurait en effet dĂ» ĂȘtre couronnĂ© par un voyage triomphal dans la patrie des travailleurs. Toutes ses demandes aboutissent finalement au projet de l’étĂ© 1936 aprĂšs plusieurs tentatives infructueuses dont une avec Roger Martin du Gard en 1935 – refus de ce dernier. On peut suivre en dĂ©tail la prĂ©paration du voyage Ă  travers les journaux et les carnets de nos Ă©crivains, Ă  travers les cahiers de “La Petite Dame”, et, en partie, Ă  travers des archives soviĂ©tiques. Parmi les grands et sincĂšres amis de l’URSS votre nom est certainement un des plus populaires et des plus estimĂ©s dans les plus larges milieux des travailleurs soviĂ©tiques. Vous connaissant et apprĂ©ciant hautement d’aprĂšs vos Ɠuvres, vos idĂ©es et actions qui vous mettent Ă  l’avant-garde des intellectuels français de gauche, les travailleurs soviĂ©tiques seraient certainement trĂšs heureux de pouvoir entrer en contact direct avec vous, de vous montrer leurs derniĂšres rĂ©alisations culturelles, sociales et Ă©conomiques et de pouvoir mettre Ă  profit vos apprĂ©ciations et suggestions personnelles Ă  ce sujet. C’est pourquoi nous nous faisons leurs interprĂštes fidĂšles, en vous faisant connaĂźtre leur plus cordial dĂ©sir de vous voir en URSS auquel nous nous joignons trĂšs chaleureusement aussi bien au nom de la SociĂ©tĂ© pour les relations culturelles VOKS » qu’en notre nom personnel. Aussi permettez-moi de vous adresser par la prĂ©sente lettre notre plus amicale invitation de venir visiter notre pays oĂč vous serez un des hĂŽtes les plus bienvenus et les mieux accueillis aussi bien par la SociĂ©tĂ© VOKS » que dans tous les milieux soviĂ©tiques les plus larges. Il va sans dire que vous n’aurez nullement Ă  vous prĂ©occuper des conditions de votre sĂ©jour chez nous qui sera entiĂšrement organisĂ© par nous. Quant aux dĂ©tails, futures visites et rencontres, nous les fixerons dĂ©finitivement d’un commun accord dĂšs notre premiĂšre entrevue Ă  VOKS. »35 Selon Maria Van Rysselberghe, aprĂšs le refus de Roger Martin du Gard, Gide avait abandonnĂ© l’idĂ©e du voyage. Mais la tĂ©nacitĂ© des “Stalinist westernizers”36 va payer, puisqu’au printemps 1936, la petite Ă©quipe se constitue trĂšs rapidement. Autour de Gide en effet, six intellectuels ont Ă©tĂ© comme lui officiellement invitĂ©s en URSS. Il y a tout d’abord Pierre Herbart37, rencontrĂ© en 1927. C’est le gendre de la Petite Dame et le mari d’Elisabeth Van Rysselberghe elle aussi prĂ©sente en URSS, la mĂšre de Catherine Gide. Les deux hommes s’estiment et s’entendent trĂšs bien. Herbart qui est communiste est en fait parti vivre Ă  Moscou en novembre 1935 pour diriger l’édition française de la revue La LittĂ©rature internationale UEIR – Union internationale des Ă©crivains rĂ©volutionnaires . Il prend ainsi la relĂšve de Paul Nizan. Au dĂ©but du mois de juin 1936, il part de Moscou pour aller chercher Gide et l’accompagner en URSS38. Pierre Herbart, Fondation Catherine Gide Il y a aussi Jacques Schiffrin, l’éditeur de la PlĂ©iade qui fait partie de l’équipe Gallimard et que Gide connaĂźt depuis le dĂ©but des annĂ©es vingt39. La venue de cet intellectuel nĂ© Ă  Bakou en 1898 et qui a fui la RĂ©volution d’Octobre en, 1917, va d’ailleurs poser le premier problĂšme du voyage. La Petite Dame, dans ses notes du 31 mai 1936, Ă©crit Il parait que la prĂ©sence de Schiffrin est considĂ©rĂ©e comme plutĂŽt indĂ©sirable. Aragon a commis la gaffe d’écrire officiellement que Gide arriverait en URSS avec Schiffrin comme interprĂšte ce dont on s’est froissĂ©, comme d’une dĂ©fiance. » Gide doit alors convaincre Aragon du mauvais effet qu’aurait le refus de sa prĂ©sence. Sur un bateau sans doute sur la mer Noire de gauche Ă  droite Jef Last de profil, Louis Guilloux, AndrĂ© Gide, Jacques Schiffrin et EugĂšne Dabit. EtĂ© 1936. Pour le communiste nĂ©erlandais Jef Last, ami de Gide depuis 1934, il n’y a par contre pas de problĂšme. La Petite Dame le dĂ©crit comme un marin hollandais, Ă©crivain, emballant savoureux, ironique Ă  travers un français impossible. »40 Jef Last Portrait de couverture de son livre en nĂ©erlandais sur la guerre d’Espagne. Dabit quant Ă  lui fait partie du petit cercle gidien depuis qu’il est venu demander des conseils littĂ©raires Ă  Gide en 1927. On trouve dans son journal de multiples rĂ©fĂ©rences tĂ©moignant d’une admiration sans borne Ă  l’égard de son aĂźnĂ© Je revois AndrĂ© Gide. Joie. Et de sa part, si simple, si affectueuse. 
 J’ai trouvĂ© en lui, un artiste, un intellectuel, qui toutefois n’a pas cessĂ© d’ĂȘtre un homme, l’est plus et mieux aujourd’hui. 
 Et combien il me donne confiance sur la route que je dois suivre ! Comme il l’éclaire. »41 Campagne pour le “Sang noir” de Louis Guilloux en dĂ©cembre 1935. Louis Guilloux n’est par contre pas un intime de Gide. Si celui-ci a suivi une des confĂ©rences publicitaires » liĂ©es Ă  la sortie du Sang noir en 1935, il ne semble pas le connaĂźtre personnellement. C’est vraisemblablement par l’intermĂ©diaire de Malraux, qui passe quelques jours Ă  Saint-Brieuc Ă  la fin de l’annĂ©e 1935, que Guilloux va faire partie du voyage. Si Gide fait mine d’apprĂ©cier l’écrivain breton dans ses lettres oĂč il l’appelle Mon cher Guilloux » et semble ĂȘtre tout heureux de cette admirable occasion de vous se revoir et longuement »; la rĂ©ciproque n’est pas vraie. Dans ses carnets du 28 janvier 1936, en Ă©voquant la soirĂ©e oĂč Gide l’invite Ă  partir avec lui en URSS, Guilloux Ă©crit Je ne puis pas dire que je me sente avec lui, trĂšs Ă  mon aise. »42. Voici pour les personnages, reste le voyage. En fait, tous ne partent pas en mĂȘme temps. Gide s’est occupĂ© pour tous des passeports et des visas, mais il accĂ©lĂšre les prĂ©paratifs du fait des nouvelles alarmantes concernant la santĂ© de Gorki qu’il voudrait rencontrer. Il prend donc l’avion au Bourget le 16 juin, et livres Ă  la main, arrive le lendemain Ă  Moscou, via Berlin. Gide sortant d’un avion – Juin 1936 Ă  Berlin ?Fondation Catherine Gide Jef Last, Jacques Schiffrin, Dabit et Guilloux partent de Londres oĂč ils ont assistĂ© Ă  la Conference de l’Association internationale des Ecrivains pour la DĂ©fense de la Culture entre le 19 et le 23 juin 1936. Ils s’embarquent Ă  bord du bateau soviĂ©tique Cooperatzia, qui, en cinq jours les conduit Ă  Leningrad oĂč ils sont accueillis par Gide. EugĂšne Dabit et AndrĂ© Gide sur le bateau sur la mer Noire – 1936Fondation Catherine Gide On peut arriver Ă  reconstituer le voyage en URSS en lisant le Journal de Gide, le Retour de l’URSS, complĂ©tĂ© par le rĂ©cit de Pierre Herbart, le journal intime de Dabit et les notes de la Petite Dame43. Le programme qui s’étale sur plus de deux mois retour le 24 aoĂ»t n’est pas trĂšs surprenant. Affiche fait datant des annĂ©es 60. AprĂšs Moscou et Leningrad, toute la petite Ă©quipe part en effet pour le Caucase qu’ils traversent en partie en voiture route touristique panoramique en passant par OrdjonikidzĂ© redevenue depuis Vladikavkaz, Tiflis oĂč, le 30 juillet, Schiffrin et Guilloux regagnent la France. Ils prennent cependant aussi le train, dans un wagon spĂ©cial comportant un salon et des couchettes amĂ©nagĂ©es spĂ©cialement pour l’occasion44. Les autres continuent vers Batoum, Soukhoum Soukhoumi et Sotchi. Le 12 aoĂ»t, Ă  Sotchi, Dabit est pris de coliques et de fiĂšvres. Ils prennent malgrĂ© tout le bateau pour traverser la mer Noire. Le 17, ils arrivent Ă  SĂ©bastopol. Le 21 aoĂ»t, EugĂšne Dabit transportĂ© d’urgence Ă  l’hĂŽpital meurt du typhus du typhus dans la soirĂ©e. Gide et Guilloux dans le wagon amĂ©nagĂ© pour eux. Fondation Catherine Gide. Comme tous les voyageurs officiels, et sans doute plus que les autres, Gide et ses compagnons sont reçus dignement. Ils sont en effet assurĂ©s de deux choses durant ce sĂ©jour de confort et de gloire. Voyage en URSSEugĂšne Dabit, AndrĂ© Gide et Pierre Herbart. AprĂšs le dĂ©part de Guilloux et Schiffrin le 30 juillet ?Cahier de photographies offert en URSS “A notre cher et noble ami AndrĂ© Gide”.Fondation Catherine Gide. Rien Ă  voir avec le Voyage au Congo oĂč mĂȘme la remontĂ©e du fleuve Congo en premiĂšre classe est considĂ©rĂ©e par Gide comme une Ă©preuve. A Moscou, c’est une suite de six chambres qui est mise Ă  leur disposition dans l’hĂŽtel MĂ©tropole. Sur la mer Noire, Ă  Soukhoum, il dispose mĂȘme de la chambre allouĂ©e Ă  Staline en personne. Ils se plaignent Ă©galement d’une trop grande abondance de nourriture qu’on tente de leur faire passer pour l’ordinaire des SoviĂ©tiques Excellent dĂ©jeuner Ă  l’hĂŽtel Astoria, Ă  Leningrad. J’entends Gide fĂ©liciter nos hĂŽtes de la parfaite cuisine et de la composition du menu. - Ce qui est remarquable, camarade Gide, [
] c’est que tout le peuple mange ainsi dĂ©sormais. »45 Herbart se livre alors Ă  un calcul qu’il communique aux autres en leur montrant que le prix du repas par personne correspondant au salaire moyen d’un ouvrier, soit 200 roubles par tĂȘte. Brochure Intourist CrimĂ©e 1934 La gloire » est elle aussi au rendez-vous. Tout a Ă©tĂ© prĂ©vu pour que partout Gide soit accueilli triomphalement. A son arrivĂ©e, il commence par ĂȘtre portĂ© sur les Ă©paules des employĂ©s de l’aĂ©rodrome. Cette chaleur, perçue comme trĂšs slave », ces contacts humains, mĂȘme dans son Retour de l’ Gide en conserve un souvenir Ă©mu. Il est vrai que la diplomatie culturelle soviĂ©tique sait habilement jouer des rĂ©compenses symboliques rĂ©servĂ©es aux amis de l’URSS. Tout est soigneusement prĂ©parĂ©. Comme ces banderoles qui se dĂ©roulent dans les gares Ă  chacune de leur arrivĂ©e. En fait, elles suivent les voyageurs dans le mĂȘme train qu’eux. Comme ces photos qui sont distribuĂ©es Ă  des milliers d’exemplaires. Tous les faits, les gestes et les paroles de Gide sont soigneusement retransmis tout au long de voyage par la presse soviĂ©tique, mĂȘme dans les rĂ©gions oĂč ils ne mettent pas les pieds. Il s’agit bien lĂ  de propagande extĂ©rieure, mais aussi de propagande intĂ©rieure. Voyage en URSS – AndrĂ© Gide, Pierre Herbart et EugĂšne Dabit dans une voiture en extraite du cahier offert “A notre cher et noble ami AndrĂ© Gide”. Fondation Catherine Gide. Ils sont bien sĂ»r Ă©troitement surveillĂ©s et soumis Ă  un programme dense, avec de multiples cĂ©rĂ©monies et visites sur le modĂšle soviĂ©tique visites de kolkhozes, d’usines, mais aussi de musĂ©es, de crĂšches, de camps de pionniers. On les emmĂšne au cinĂ©ma, au théùtre, au concert. Ils prennent contact avec la jeunesse universitaire, les gens de lettres seul moment un peu plus libre » du voyage peut-ĂȘtre, quand Gide est invitĂ© dans les datchas d’Isaac Babel et de Pasternak. Il y a aussi les multiples parades officielles de la premiĂšre, funĂ©raire, oĂč Gide prononce un discours pour l’enterrement de Gorki, Ă  la parade de gymnastes qui remplace, durant l’étĂ©, les dĂ©filĂ©s des cĂ©rĂ©monies commĂ©moratives de la RĂ©volution d’Octobre. Discours d’AndrĂ© Gide aux funĂ©railles de GorkiJuin 1936 – DerriĂšre Gide, Viatcheslav Molotov. DĂ©tail d’une photographie. Photographe inconnu RGAKD. FunĂ©railles de Maxime Gorki – Film Images C’est bien une mise en scĂšne en forme de livres d’images oĂč Gide et ses compagnons doivent admirer la belle vitrine de la rĂ©alitĂ© soviĂ©tique. AndrĂ© Gide avec des pionniers Ă  la gare de BiĂ©lorussie en 1936. Photographe inconnu. RGAKFD. Ils sont en partie conscients de la surveillance Ă  laquelle ils sont soumis. Gide renonce ainsi Ă  prendre des notes durant son voyage. Ils sont aussi frappĂ©s, comme d’autres voyageurs avant eux, par ce qu’on ne peut leur cacher les queues, la pĂ©nurie et la mauvaise qualitĂ© des marchandises qu’ils dĂ©couvrent en se promenant autour de leur hĂŽtel. A Tiflis, ils sont constamment suivis par des bezprizornis qui mendient
 En effet, au fur et Ă  mesure qu’ils s’éloignent de Moscou le contrĂŽle de leurs guides est plus “maladroit”. Les rencontres “non-officielles” se multiplient, comme celle oĂč, lors d’une panne de leur Lincoln en plein campagne, ils entrevoient un paysan famĂ©lique sur le bord de la route. Enfin, la fin du voyage est tragique et assombrit le climat du voyage. Que pensent-ils de la mort de Dabit, soignĂ© trop tardivement et mal d’un typhus on avait d’abord diagnostiquĂ© d’autres maladies dont la scarlatine, sans doute attrapĂ© sur le bateau sur la mer Noire ? Leur retour rapide sur Moscou Gide, Last et Herbart laissent Dabit Ă  l’hĂŽpital de SĂ©bastopol coĂŻncide de surcroĂźt avec le procĂšs des 1646. Les trois hommes s’envolent mĂȘme de Moscou le jour oĂč Zinoviev et Kamenev sont condamnĂ©s Ă  mort. On a pu se demander pourquoi Gide, qui d’aprĂšs son Retour de l’ avait bien ressenti un profond malaise, a pu continuer Ă  multiplier les dĂ©clarations en faveur de l’URSS pendant tout son voyage. Il faut cependant les nuancer. Quand il le peut, il Ă©vite les thĂšmes directement politiques, prĂ©fĂ©rant, comme dans sa prĂ©face, Ă©voquer la chaleur du peuple russe ou de parler la beautĂ© de la Colchide en GĂ©orgie mais si Gide est botaniste, la lettre est malgrĂ© tout adressĂ©e Ă  BĂ©ria. Il ne multiplie pas non plus les rĂ©fĂ©rences Ă  l’autre grand GĂ©orgien, croisĂ© Ă  l’enterrement de Gorki et qu’Arosev s’est efforcĂ© en vain de lui faire rencontrer en tĂȘte Ă  tĂȘte47. MalgrĂ© tout, sachant trĂšs bien que les SoviĂ©tiques tireraient parti de ses discours, il reste trĂšs prudent durant son sĂ©jour. Ce voyage est Ă©videmment dominĂ© par la figure de Gide qui est au centre de toutes les attentions des mĂ©diateurs soviĂ©tiques. Ses compagnons sont finalement un peu plus libres de leur mouvement. Si on laisse Gide avoir des aventures, c’est Herbart qui parle russe qui rencontre un jeune bezprizorni Ă  Leningrad ou un poĂšte opposant sur le bateau sur la mer Noire. Les autres n’ont pas Ă  faire de discours emphatiques et sont souvent dispensĂ©s des cĂ©rĂ©monies officielles. Guilloux et Schiffrin peuvent Ă©galement repartir plus rapidement. Si on se fonde sur le journal de Louis Guilloux, c’est en apprenant le dĂ©but de la guerre d’Espagne que ce dernier se dĂ©cide Ă  rentrer. Mais ce qu’il a vu de l’URSS ne le pousse pas Ă  rester
 DĂ©sengagements MalgrĂ© toutes les prĂ©cautions prises par les officiels soviĂ©tiques, on le sait, ce voyage n’est pas une rĂ©ussite pour la propagande soviĂ©tique. AndrĂ© Gide une rupture Le voyage cristallise un dĂ©sengagement net pour Gide, officialisĂ© par la publication du Retour de l’ L’écrivain, on l’a vu, Ă©tait cependant devenu de plus en plus critique vis-Ă -vis de l’URSS avant mĂȘme le voyage de l’étĂ© 36. Par ailleurs, quand, au dĂ©but du mois de juin, Pierre Herbart est venu en France pour le conduire Ă  Moscou, il a sans doute pu entretenir Gide de ses points de discorde Ă  l’égard de la politique soviĂ©tique. Correspondant de La LittĂ©rature internationale, Herbart avait notamment assistĂ© Ă  la querelle entre formalisme et naturalisme et Ă  l’affirmation du rĂ©alisme socialiste ». Le contrĂŽle sourcilleux sur tout ce qui Ă©tait publiĂ© dans la revue ne laissait place Ă  aucun doute. Un an aprĂšs le voyage, il Ă©crivait Le rĂ©alisme en URSS, c’est avant tout trouver bon ce que les dirigeants ont cru nĂ©cessaire d’éditer. »48. Gide, qui dĂšs le dĂ©but de son engagement doutait de pouvoir un jour Ă©crire selon des normes communistes, n’avait pu qu’ĂȘtre sensible Ă  cette Ă©volution. Le voyage va ainsi aboutir Ă  un point de non retour. En effet, Gide rentre convaincu qu’il lui faut tĂ©moigner de ce qu’il a rĂ©ellement vu en URSS la rĂ©alitĂ©, fut-elle douloureuse ne peut blesser que pour guĂ©rir » proclame la manchette publicitaire de son rĂ©cit de voyage ! Pourtant, Gide ne pense sans doute pas qu’il va ĂȘtre banni par une partie de la gauche intellectuelle française, au delĂ  mĂȘme des rangs des intellectuels communistes. Ses positions sont cependant de plus en plus claires. On peut se fonder Ă  nouveau sur le tĂ©moignage de “La Petite Dame” datant du dĂ©but du mois de septembre Je commence par le procĂšs de Moscou qui est pour moi la fissure qui laisse passer tous les doutes. Mais oui, oui », dit Gide, C’est aussi odieux que le procĂšs du Reichstag, c’est la mĂȘme chose, et cela pose des questions terribles. » » Le lendemain de cette conversation, toujours selon Maria Van Rysselberghe, la visite de Jacques Schiffrin ouvre toutes les Ă©cluses ». La rĂ©flexion qu’il conduit avec les uns et les autres l’amĂšne Ă  penser Je voudrais mieux sĂ©rier les questions. S’agit-il du communisme, du Russe, de Staline, ou de l’Homme tout court ?» [
] Tout cela est, aux yeux de tous, si bien confondu qu’il n’y a plus de moyen de parler clair ; la notion de parti est terrible et supprime toutes les nuances. » Dans ses conversations avec Gide, Schiffrin conclue Au fond le communisme n’existe plus lĂ -bas, il n’y a plus que Staline. »49. ConcrĂštement que reproche Gide Ă  l’URSS. Pour rĂ©diger son carnet de route » il a Ă©tĂ© aidĂ© par Pierre Herbart qui va finir par publier son propre rĂ©cit en 193750. La premiĂšre mouture du Retour de l’ date du 23 septembre, soit un mois aprĂšs le voyage. Son jugement est concis et s’éloigne du simple rĂ©cit de voyage pour faire figure d’essai. AprĂšs plusieurs corrections celles de Schiffrin, de la Petite Dame, d’Herbert et de Guilloux. Le livre est finalement publiĂ© le 5 novembre 1936. Il est dĂ©diĂ© Ă  Dabit comme Ă©tant les reflets de ce que j’ai vĂ©cu et pensĂ© prĂšs de lui, avec lui. » Ce qui choque Gide par dessus tout c’est que l’URSS n’a pas su prĂ©server la libertĂ© et l’individualitĂ© de l’homme. ConcrĂštement, il Ă©voque les problĂšmes de pĂ©nurie, mais aussi le conformisme social et stigmatise la bureaucratie. On connaĂźt sa phrase fameuse51 quand il dit douter qu’en aucun pays aujourd’hui, fĂ»t-ce dans l’Allemagne de Hitler, l’esprit soit moins libre, plus courbĂ©, plus craintif terrorisĂ©, plus vassalisĂ© » qu’en URSS. Il dĂ©nonce aussi le culte de la personnalitĂ©, Ă©voquant par exemple la censure de ses propres dĂ©clarations et l’insertion de textes de louanges Ă  Staline dans ses articles ou la traduction de ses discours. Il attaque aussi la nouvelle lĂ©gislation contre l’avortement et l’homosexualitĂ©. Des critiques justes qui vont Ă©videmment porter et qui sont pour lui comme une libĂ©ration. Il ne croit de toutes Ă©vidences plus Ă  la possibilitĂ© de concilier sa personnalitĂ© avec le communisme soviĂ©tique et “s’en libĂšre”. J’émets l’hypothĂšse que cette libĂ©ration » va ensuite faciliter son retour Ă  l’écriture littĂ©raire et lui permettre d’achever enfin GeneviĂšve. EugĂšne Dabit la mort au bout du voyage Dabit aurait-il aussi fait oeuvre de tĂ©moin s’il n’était pas mort en URSS ? Il nous reste son Journal intime publiĂ© par Gide de façon posthume52. Selon le tĂ©moignages de ses compagnons, Dabit comme les autres, et peut-ĂȘtre plus encore que Gide, est profondĂ©ment déçu par ce voyage. Cependant, une phrase du journal, Ă©crite le 25 juillet, donc un peu moins d’un mois avant sa mort, semble rĂ©sumer son opinion vis-Ă -vis de l’URSS J’écrirais peu sur ce voyage. S’il le faut Ă  mon retour. 
 Quant Ă  parler de la doctrine, du systĂšme, il n’en est pas question. Entre plusieurs qui sont proposĂ©s aux hommes, entre fascisme et communisme, je n’hĂ©site pas, j’ai choisi le communisme, quelles que soient les rĂ©serves que puissent m’inspirer ce voyage, je m’en tiens fermement Ă  mon choix. » En fait, Dabit est comme Guilloux sous le choc des Ă©vĂ©nements d’Espagne qui Ă©veillent en lui inquiĂ©tudes et souvenirs ». De toutes parts, presque dans le monde, luttes, haines. En France, demain, c’est sĂ»r. Alors quoi, comment vivre. » Inhumation des cendres de Dabit au PĂšre Lachaise le 7 septembre 1936. Marcel Cerf – BibliothĂšque historique de la Ville de Paris. En septembre 1936, lors de l’inhumation de ses cendres au PĂšre Lachaise53, les communistes tentent pourtant de donner l’image d’un Dabit sĂ©duit par l’URSS. Cinq milles personnes assiste Ă  la cĂ©rĂ©monie oĂč Paul Vaillant-Couturier et Aragon prennent notamment la parole. Gide note dans son journal L’assistance Ă©tait nombreuse ; gens du peuple surtout et en fait de littĂ©rateurs, rien que des amis dont le chagrin Ă©tait rĂ©el. [
] Les discours de Vaillant-Couturier et d’Aragon ont prĂ©sentĂ© Dabit comme un partisan actif et convaincu. Aragon, en particulier, a insistĂ© sur la parfaite satisfaction morale de Dabit en HĂ©las !
 » Regards, 17 septembre 1936. Article d’Aragon Ă©voquant la parade sportive Ă  laquelle il a assistĂ© Ă  Moscou avec Gide, Guilloux et “notre cher EugĂšne Dabit”. Louis Guilloux critiques “silencieuses” Les mĂȘmes signes de prise de conscience critique apparaissent chez Louis Guilloux, mĂȘme si, comme pour Dabit, la prudence et le silence dominent. L’engagement philosoviĂ©tique de Guilloux est surtout littĂ©raire. Il faut dire que son bout de chemin » avec le parti communiste lui permet de publier de nombreux articles dans la presse communiste ou Or, Ă  l’automne 1937, il note dans ses carnets Si j’avais la moindre envie d’écrire pour le public, quelque chose » sur mon voyage en URSS avec Gide, ce ne sont pas les procĂšs de Moscou, ni la guerre d’Espagne qui m’y inciteraient. » Dans les carnets qu’il a fait publier, il faut attendre 1938 pour voir apparaĂźtre de vĂ©ritables signes de dĂ©saveu Ă  travers l’anecdote d’un GĂ©orgien qu’un Russe empĂȘche de lire en public des vers interdits. On le sait, il lui est publiquement impossible d’écrire contre Gide, ce qui lui vaut son renvoi de Ce Soir fin aoĂ»t 1937, oĂč il Ă©tait en charge de la rubrique littĂ©raire, et cela en dĂ©pit des dĂ©marches pressantes d’Aragon et de Jean-Richard Bloch. Pourquoi ? C’est Gide qui l’a fait inviter en URSS
 MalgrĂ© tout, c’est un refus courageux, car le renvoi met fin Ă  un salaire qui tombait tous les mois en lui fermant les portes du quotidien communiste. Un salaire dont il avait besoin, ses droits d’auteur ne lui permettant pas de vivre de son travail. La dimension matĂ©rielle a sans doute jouĂ© un rĂŽle important pour la suite. Cela le pousse Ă  rentrer en Bretagne oĂč il s’engage encore plus dans l’action au sein du SRI briochin pour soutenir les rĂ©fugiĂ©s espagnols. En dĂ©cembre 1935, c’est pourtant le mĂȘme Guilloux qui Ă©crivait au correspondant de l’agence Tass en France Cher Camarade, [
] Que souhaitez vous [sic] pour l’URSS, pour l’annĂ©e 1936, me demandez vous ? Il est difficile de dire ce que l’on souhaite le plus particuliĂšrement, quand on souhaite dans tous les domaines, sans exception, encore plus de succĂšs, encore plus de rĂ©alisations et de force ! Je souhaite donc que l’annĂ©e 1936 marque une nouvelle Ă©tape dans le triomphe du socialisme, c’est-Ă -dire dans le triomphe de la vie. Je suis avec l’URSS de tout mon cƓur, je salue avec enthousiasme sa jeunesse oĂč s’incarne tout espoir du monde vivant. L’annĂ©e 1936 sera sans doute dĂ©cisive dans la lutte mondiale qui se joue entre la vie et la mort. A tout ce qui veut vivre et dĂ©fend la vie, salut ! Fraternellement Ă  vous Louis Guilloux»55 En fait, les archives soviĂ©tiques prouvent qu’il n’y a pas eu de rupture franche, mĂȘme aprĂšs son exclusion de Ce Soir. Il n’a certes jamais Ă©crit de vĂ©ritable rĂ©cit de voyage » en URSS, mais il continue aprĂšs le voyage de publier des textes trĂšs Ă©logieux dans la presse communiste. On peut notamment citer ses articles pour Russie d’aujourd’hui, la revue des AUS, l’un sur la jeunesse, publiĂ© en novembre 1936 et un autre dans un numĂ©ro spĂ©cial qui regroupe des intellectuels communistes ou des sympathisants le 15 mars 1937. On peut aussi Ă©voquer la publication de son hommage Ă  Dabit pour Commune, oĂč il ne fait pas davantage part de ses rĂ©serves Depuis le dĂ©but du voyage, nous n’avions cessĂ© de parler de ce retour, qui eĂ»t Ă©tĂ© comme un couronnement Ă©blouissant au pĂ©riple qui nous avait menĂ©s de Londres Ă  LĂ©ningrad, de LĂ©ningrad Ă  Moscou, puis en GĂ©orgie 
 [
] C’était un compagnon facile, rieur, Ă  qui le voyage, et surtout celui-ci, donnait un grand bonheur. Il rĂȘvait depuis long- temps de voir ce pays neuf et vivant ! Il avait tant de joie Ă  le parcourir. Nous nous sou- viendrons, me disait-il, ce voyage changera tout pour nous. [
] Dans un camp de pionniers, prĂšs de LĂ©ningrad, je le revois bouleversĂ©, pleurant d’émotions au milieu des enfants. [
] Et quand je pense Ă  ce que nous Ă©tions Ă  leur Ăąge, et Ă  ce qu’on fait pour eux, ici, ah !
 »56 Sa relation avec l’URSS ne s’interrompt donc pas aprĂšs son voyage. Et, encore plus surprenant, mĂȘme aprĂšs aoĂ»t 1937, il continue de publier en URSS et de correspondre avec l’Union des Ă©crivains, et cela jusqu’au dĂ©but de l’étĂ© 193957 Comment expliquer ces contradictions ? Avec Louis Guilloux, il faut aussi se souvenir des incohĂ©rences inhĂ©rentes Ă  ses origines sociales et son statut d’intellectuelJean-Charles Ambroise, Un roman du dĂ©sengagement. Les fins du militantisme dans le Jeu de patience », in Jean- Baptiste Legavre dir., Louis Guilloux politique, PUR, 2016, p. 83-107. Des discordances apparentes sur le champ littĂ©raire parisien, que le retour en Bretagne et l’engagement dans l’action collective permet en partie de rĂ©soudre. La posture composite de Guilloux qui dĂ©pend autant d’un double positionnement social et littĂ©raire, que d’un contexte idĂ©ologique et d’une conjoncture matĂ©rielle, souligne dans tous les cas l’inadĂ©quation des termes trop simples de lucides » ou aveuglĂ©s », utilisĂ©s pour qualifier l’attitude des compagnons de route » vis-Ă -vis de l’URSS ou du PCF. »58 Une lecture diabolisĂ©e A partir de novembre 1936, et mĂȘme avant dĂ©marches d’Aragon, entre autres, les communistes vont tenter de lutter contre Gide et ce qu’il dit dans son Retour de l’ Gide est devenu un “renĂ©gat” qui, en dĂ©pit de la guerre d’Espagne l’argument utilisĂ© par Aragon pour tenter de retarder la publication ose dire du mal de l’URSS “au moment oĂč celle-ci a le plus besoin d’ĂȘtre soutenue” ! Mais, d’abord surpris, les communistes n’en viennent Ă  l’exclusion totale et Ă  la grosse artillerie qu’avec la publication du Retouches Ă  mon retour de l’ 1937 Tous les arguments, mĂȘme les plus vils, sont utilisĂ©s. On insinue que la publication rĂ©pond Ă  une ĂąpretĂ© au gain le Retour s’est vendu Ă  146300 exemplaires entre sa publication et septembre 1937, avec 8 rĂ©impressions. On Ă©voque son homosexualitĂ© “déçue”, voire du masochisme AndrĂ© Wurmser dans Russie d’aujourd’hui. Fernand Grenier, prĂ©face de Jean Lurçat, RĂ©ponse Ă  AndrĂ© Gide, AUS, 1937. Pourtant, en lisant les 73 pages du Retour de l’ on est aujourd’hui frappĂ© par la prudence du ton de l’avant-propos, ou par les premiers chapitres oĂč l’écrivain Ă©voque les aspects idylliques du voyage, la beautĂ© du pays et la chaleur de l’accueil. Mais dans le dĂ©tail, les communistes ne s’y sont pas trompĂ©s, sa critique est sans pitiĂ© et elle sera encore plus virulente dans l’opus suivant. Gide sait qu’il n’a plus rien Ă  perdre
 L’écrivain disparaĂźt ainsi des organigrammes communistes. Selon une technique Ă©prouvĂ©e, il est, en tant qu’adversaire, non seulement vilipendĂ©, mais plus encore niĂ© en tant que personne. De L’HumanitĂ© Ă  la Pravda, de Ce Soir Ă  Commune, tous les journaux le dĂ©noncent. MĂȘme Romain Rolland, pourtant déçu par son voyage de 1935, parle d’un livre mĂ©diocre59. L’association des Amis de l’URSS AUS, dont la mission principale est la dĂ©fense de l’URSS, va sans doute mener la bataille la plus active contre Gide. AndrĂ© Wurmser et Fernand Grenier, son secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, livrent plusieurs articles dans Russie d’Aujourd’hui. DĂšs novembre 1936, ils mettent aussi en place des confĂ©rences contradictoires contre l’écrivain et Ă©ditent une brochure en 1937. Si au dĂ©part, leurs critiques restent rĂ©servĂ©es, laissant penser Ă  un malentendu temporaire, la publication du Retouches Ă  mon retour de l’URSS libĂšrent les vannes. Gide est alors dĂ©finitivement passĂ© du cĂŽtĂ© des ennemis de l’URSS qui, comme Citrine, Trostky, Victor Serge, KlĂ©ber Legay
 sont selon les AUS capables des pires mensonges pour arriver Ă  leurs fins. Gide est alors devenu un pestifĂ©rĂ© pour une partie de l’intelligentsia progressiste. Revue de presse autour du Retour de l’URSS Du cĂŽtĂ© de l’entourage de Gide, on peut Ă©videmment compter sur la dĂ©fection prĂ©vue d’Aragon ou celles des Groethuysen, tandis que Roger Martin du Gard l’approuve et que Malraux ne dĂ©sapprouve pas. L’écrivain se replie sans doute davantage sur un rĂ©seau plus ancien de sociabilitĂ©, qu’il n’a cependant jamais quittĂ©. Plus graves sont peut-ĂȘtre les consĂ©quences au sein de Vendredi, le magazine de Front populaire, oĂč la controverse interne autour du livre fait partie des raisons qui expliquent le dĂ©clin du pĂ©riodique politique. Chamson a en effet acceptĂ© de publier l’avant-propos du Retour le 6 novembre. Par la suite, Vendredi fait le silence sur la polĂ©mique. Et quand Nizan, Wurmser et d’autres tempĂȘtent, Chamson fait finalement marche arriĂšre, perdant ainsi le soutien de l’autre camp. Fin 1937, il se rallie mĂȘme aux positions plus intransigeantes de Viollis ou GuĂ©hĂ©nno. Il est vrai que Gide a aggravĂ© son cas en se joignant Ă  Duhamel, Martin du Gard, Paul Rivet, pour lancer un appel au gouvernement rĂ©publicain espagnol contre les procĂšs arbitraires des membres du POUM. Gide a mĂȘme utilisĂ© Claude Mauriac pour faire signer cet appel Ă  François Mauriac. Le Retour, et donc le dĂ©sengagement officiel de Gide, n’est pas la premiĂšre rupture, ni le premier rĂ©cit de voyage contre l’URSS. Il marque cependant bien un certain tournant. 60. C’est la fin d’une certaine euphorie contagieuse qui rĂ©gnait jusque lĂ  largement Ă  l’égard de l’URSS. Une rupture qui s’inscrit, il est vrai, dans le contexte international des “procĂšs de Moscou” et dans celui de la Guerre d’Espagne. Une rupture qui se situe aussi dans le contexte de divisions de plus en plus fortes au sein de la gauche française du Rassemblement populaire. Aussi est-il difficile d’en mesurer l’impact vĂ©ritable. Pour les Ă©crivains cependant, c’est aussi un tournant personnel. Gide retourne Ă  la littĂ©rature se dĂ©tachant ainsi de la politique. Pour Dabit, c’est Ă©videmment plus difficile de trancher. Entre ce qu’affirme Gide et ce que rĂ©vĂšle le journal intime, on a surtout l’image d’un homme pris entre le dĂ©sarroi et l’angoisse. Sa position pacifiste semble dominer l’ensemble de sa rĂ©flexion
 Mais
 Pour Guilloux enfin, le voyage est l’un des mĂ©andres du cours complexe de l’histoire de ses rapports aux communistes et Ă  l’URSS. Il marque un premier dĂ©sengagement parisien qui lui permet de quitter un milieu littĂ©raire oĂč il ne se sentait sans doute pas totalement Ă  l’aise, et de se dĂ©livrer temporairement de toute ambiguitĂ© sociale. Mais il ne marque pas une vĂ©ritable rupture avec l’URSS et le communisme. Celle-ci devra attendre la Guerre froide. Dans tous les cas, le voyage reste bien un moment clĂ© de l’itinĂ©raire des Ă©crivains philosoviĂ©tiques des annĂ©es trente et un enjeu politique de premier ordre. A ce sujet FrĂ©dĂ©ric SallĂ©e, Sur les chemins de terre brune Voyages en Allemagne nazie 1933‑1939, Fayard, 2017 ; Christophe Poupault, À l’ombre des faisceaux les voyages français dans l’Italie des chemises noires 1922-1943, Publications de l’École française de Rome, 2014 ; Alexandre Saintin, “Des intellectuels français Ă  la rencontre du Duce et du FĂŒhrer”, VingtiĂšme siĂšcle, Revue d’histoire, N° 1, 2017, p. 83-97 [↩]A ce titre on se permet de renvoyer notamment Ă  Rachel Mazuy, Croire plutĂŽt que voir. Le voyage français en Russie soviĂ©tique, Odile Jacob, 2002, 2014 pour l’édition Ă©lectronique et Ă  Studer Brigitte, Le voyage en et son retour » », Le Mouvement Social, 2003/4 no 205, p. 3-8. DOI URL [↩]Jean Pons 1901-1942. Professeur agrĂ©gĂ© d’histoire. Militant communiste du Vaucluse puis au Maroc. Jean Pons, L’Éducation populaire en URSS, AUS, 1937 [↩]Sophie CoeurĂ©, Rachel Mazuy, Cousu de fil rouge. Le Voyage des intellectuels en Union soviĂ©tique- 150 documents des archives soviĂ©tiques, Ed. du CNRS, 2013 [↩]J’estime Ă  environ le nombre de Français en URSS sĂ©journant entre 1917 et 1944. Mais ce nombre comprend ceux que j’ai appelĂ© dans ma thĂšse des “voyageurs malgrĂ© eux”, notamment les prisonniers français des deux guerres. En dĂ©pit de l’augmentation du nombre de touristes dans les annĂ©es trente, ce ne sont qu’un peu plus d’un millier de visas qui sont dĂ©livrĂ©s Ă  des Français dans les annĂ©es fastes”. Pour des chiffres plus dĂ©taillĂ©s de “ceux qui ont vu”, cf. Sophie CoeurĂ©, Rachel Mazuy, Cousu de fil rouge, op. cit. [↩]Fred Kupferman, Au pays des soviets, Le voyage français en Union soviĂ©tique, Gallimard, 1979 [↩]L’expression vient de PanaĂŻt Istrati et date de 1927. [↩]On peut penser Ă  l’appel signĂ© entre autres par Anatole France ou Romain Rolland en 1917 [↩]Souvenirs de la Cour d’Assise, 1913 [↩]Eric Marty, [↩]Sur la construction du “romancier Louis Guilloux”, on peut lire l’ouvrage de Sylvie Golvet, Louis Guilloux. Devenir romancier, PUR, 2010 [↩]Sur cette figure de style utilisĂ©e par Guilloux aprĂšs la guerre, on peut voir Alexandra Vasic, “Salido, Louis Guilloux et le parti rendre compte ou rĂ©gler ses comptes. Une condamnation en sourdine”, in Jean-Baptiste Legavre, Louis Guilloux politique, PUR, 2016 [↩]L’Herbe d’oubli, Gallimard, 1984 [↩] A ce sujet voir les travaux de Jean-Charles Ambroise, notamment “Une trajectoire politique”, in Francine Dugast-Portes, Marc Gontard, Louis Guilloux Ă©crivain, PUR, 2000. J’avais au dĂ©but des annĂ©es 1990 consultĂ© le DEA de Jean-Charles Ambroise [↩] Le congrĂšs international des Ă©crivains s’ouvrent demain Ă  Paris », Regards, 20 juin 1935 [↩]Guilloux subit d’abord assez tardivement le rejet des prolĂ©tariens et des populistes, non pas de maniĂšre individuelle, mais en tant que membre d’un groupe. En effet, sa langue est soignĂ©e, et les personnages sont davantage des artisans que des ouvriers, et on aurait sans doute un peu de mal Ă  reconnaĂźtre en eux des hommes nouveaux sur le modĂšle soviĂ©tique [↩]Faubourgs de Paris, p. 74 [↩]Dans les Ă©coles d’art et d’architecture, c’est un Ă©lĂšve Ă©lu par ses condisciples pour les reprĂ©senter et pour assurer diverses tĂąches, notamment gĂ©rer les finances communes de la classe ou de l’atelier. [↩]Christian Caillard, BĂ©atrice Appia, Emile Sabouraud, Georges-AndrĂ© Klein, Maurice Loutreuil, Pinchus KrĂ©mĂšgne ou Jean de Brunhoff qui a Ă©pousĂ© CĂ©cile Sabouraud, la fille de son ami Emile Sabouraud en 1924 [↩]Un SĂ©jour [↩]Avant l’engagement Ă  l’extrĂȘme-droite du pĂ©riodique. [↩]Lettre Ă  Roger Martin du Gard du 12 novembre 1935, Roger Martin du Gard, Correspondance gĂ©nĂ©rale. Tome VI, Gallimard, 1990 [↩]22 novembre 1932. EugĂšne Dabit, Journal Intime 1928-1936, Gallimard, 1989 [↩]En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Cf le poĂšme J’ai Ă©tĂ© soldat Ă  18 ans » [↩]27 septembre 1933 [↩]AndrĂ© Gide, Journal, Gallimard PlĂ©iade, p. 1174 [↩]Ibid, p. 1140 [↩]27 juin 1932 et aoĂ»t 1933 [↩]Cf. Ibid, p. 1113 [↩]Ibid [↩]On peut citer la chronique d’Aragon dans Commune en septembre 1935 par exemple [↩]Nous n’avons cependant pas consultĂ© la version intĂ©grale dĂ©posĂ©e Ă  la bibliothĂšque de Saint-Brieuc [↩]VOKS SociĂ©tĂ© pour les relations culturelles avec l’étranger. Cf. Cousu de fil rouge
, op. cit., Documents 54 et 55 [↩]Cousu de fil rouge
, op. cit., document 54, lettre d’invitation d’Aleksandr Arosev Ă  AndrĂ© Gide 1935 [↩]Selon l’expression de Michael David-Fox dans son article ” Stalinist Westernizer? Aleksandr Arosev’s Literary and Political Depictions of Europe”, Slavic Review, 2003 [↩]Sur Pierre Herbart, on peut lire la biographie de Jean-Luc Moreau, Pierre Herbart, L’orgueil du dĂ©pouillement, Grasset, 2014 [↩]Rachel Mazuy, “Pierre Herbart en URSS”, Revue Nord, N° spĂ©cial Pierre Herbart, N° 37, juin 2001, p. 17-23 [↩] AndrĂ© Gide — Jacques Schiffrin, Correspondance 1922-1950, Avant-propos d’AndrĂ© Schiffrin. Édition Ă©tablie par Alban Cerisier, Collection Les Cahiers de la NRF », Gallimard, 2005. [↩]Sur Jef Last, on peut voir le documentaire “L’ami hollandais” de Pieter Jan Smit datant de 2005. [↩]EugĂšne Dabit, Journal intime, op. cit., janvier 1934 [↩]Carnets, op. cit., p. 125 [↩]Il n’y a pas d’archives soviĂ©tiques complĂštes sur ce voyage ni au GARF – VOKS, Intourist, ni au RGALI – Union des Ă©crivains [↩]On peut en fait comparer leur voyage avec celui, assez proche de Jean-Richard et Marguerite Bloch, durant la fin de l’étĂ© 1934. Ils disposaient aussi d’un wagon amĂ©nagĂ© [↩]Pierre Herbart, En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Le procĂšs dit du procĂšs dit du Centre terroriste trotskyste-zinoviĂ©viste » du 19 aoĂ»t 1936 au 24 aoĂ»t 1936, dans le cadre des procĂšs de Moscou ». Il concerne des cadres dirigeants de la vieille garde bolchevique. [↩]Cousu de fil rouge, op. cit., prĂ©face de Sophie CoeurĂ© [↩]Pierre Herbart, En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Pour les deux paragraphes qui prĂ©cĂ©dent Maria Van Rysselberghe, Les Cahiers de la Petite Dame. Notes pour l’histoire authentique d’AndrĂ© Gide, tome II 1929-1937, Collection Cahiers AndrĂ© Gide n° 5, Gallimard, 1975 [↩]En 1936 [↩]Journal, p. 67 [↩]Ce dont Guilloux s’indigne d’ailleurs dans ses carnets, car il s’agit de notes personnelles qui n’ont pas Ă©tĂ© retravaillĂ©es ! [↩] [↩]Jean-Charles Ambroise, Louis Guilloux et les annĂ©es trente un auteur dĂ©calĂ© ? », Louis Guilloux, homme de parole, Ville de Saint-Brieuc, 1999, p. 47. Pour un rĂ©cit dĂ©taillĂ© de cet engagement, cf. Christian Bougeard, Le parcours et les engagements de Louis Guilloux dans les enjeux de son temps 1930-1950 », in Francine Dugast-Portes, Marc Gontard dir., Louis Guilloux, Ă©crivain, PUR, 2000, p. 31-46. [↩]RGALI Archives d’Etat de Russie de la littĂ©rature et de l’art 1347-3-86, Carte de vƓux recto-verso, 18 dĂ©cembre 1935. EnvoyĂ©e Ă  Boris Danilovitch MikhaĂŻlov 1895- ?, le correspondant en France de l’agence TASS et de la Pravda. [↩]Louis Guilloux, EugĂšne Dabit », Commune, octobre 1936. [↩]Pour le dĂ©tail de ses liens, analysĂ©s Ă  partir d’une correspondance dĂ©posĂ©e au RGALI, on se permet de reporter Ă  Rachel Mazuy, Une histoire Ă  mĂ©andres. Louis Guilloux et la presse communiste », in Jean-Baptiste Legavre, Louis Guilloux et la presse, PUR, Ă  paraĂźtre [↩]Ibid [↩]Pravda, 11 janvier 1937 et Jean PĂ©rus Ed., Correspondance Romain Rolland et Maxime Gorki, Cahier N° 28, Albin Michel, 1991 [↩]Sophie CoeurĂ©, La Grande lueur Ă  l’Est. Les Français et l’Union soviĂ©tique, Ed. du CNRS, 2017 [↩]
Catalogueen ligne CDI Lycée Marcelin Berthelot. CDI Lycée Marcelin Berthelot. A partir de cette page vous pouvez : Retourner au premier écran avec les étagÚres virtuelles Détail de l'auteur. Auteur Georges Nivat Documents disponibles écrits par cet auteur
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Asie-Pacifique La Chine fermera cette annĂ©e ses camps de travail forcĂ©, a dĂ©clarĂ© le nouveau responsable de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure chinoise, citĂ© lundi par des mĂ©dias officiels. La Chine fermera cette annĂ©e ses camps de travail forcĂ©, a dĂ©clarĂ© le nouveau responsable de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure chinoise, citĂ© lundi 7 janvier par des mĂ©dias officiels. Mis en place depuis les annĂ©es 1950, les "camps de rééducation par le travail" permettent Ă  la police et Ă  d'autres organes d'Etat d'emprisonner des individus pendant une pĂ©riode de quatre annĂ©es sans aucune charge. "Le recours au systĂšme de rééducation par le travail prendra fin cette annĂ©e, aprĂšs approbation par le comitĂ© permanent de l'AssemblĂ©e populaire nationale [Parlement]", rapporte la chaĂźne de tĂ©lĂ©vision d'Etat CCTV sur son site de microblogging, s'appuyant sur les propos de Meng Jianzhu, rĂ©cemment nommĂ© Ă  la tĂȘte du comitĂ© des affaires politiques et lĂ©gales. L'influent magazine d'information Caixin a Ă©galement rapportĂ© les propos de Meng Jianzhu, tenus lors d'une rĂ©union de son comitĂ©. Meng, qui est Ă©galement ministre de la sĂ©curitĂ© publique, a pris les rĂȘnes de ce vaste comitĂ© chargĂ© de superviser les mesures de maintien de l'ordre aprĂšs le 18e CongrĂšs du Parti communiste chinois qui a renouvelĂ© sa direction en novembre. Le ministĂšre de la justice n'a pas rĂ©pondu dans l'immĂ©diat Ă  une demande de confirmation. Le Monde avec Reuters Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil Ă  la fois Ce message s’affichera sur l’autre appareil. DĂ©couvrir les offres multicomptes Parce qu’une autre personne ou vous est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil. Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil Ă  la fois ordinateur, tĂ©lĂ©phone ou tablette. Comment ne plus voir ce message ? En cliquant sur » et en vous assurant que vous ĂȘtes la seule personne Ă  consulter Le Monde avec ce compte. 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Mots CroisĂ©s gratuits - Force 4 - 18 aoĂ»t 2022 Grille n°1026 Remplissez la grille de mots croisĂ©s Force 4 ci-dessous. Il vous suffit de cliquer sur une case pour pouvoir y entrer la lettre de votre choix. Grille n°1026 du 18... Mots CroisĂ©s gratuits - Force 4 - 15 aoĂ»t 2022 Grille n°1025 Remplissez la grille de mots croisĂ©s Force 4 ci-dessous. Il vous suffit de cliquer sur une case pour pouvoir y entrer la lettre de votre choix. Grille n°1025 du 15... Mots CroisĂ©s gratuits - Force 4 - 12 aoĂ»t 2022 Grille n°1024 Remplissez la grille de mots croisĂ©s Force 4 ci-dessous. Il vous suffit de cliquer sur une case pour pouvoir y entrer la lettre de votre choix. Grille n°1024 du 12... Mots CroisĂ©s gratuits - Force 4 - 9 aoĂ»t 2022 Grille n°1023 Remplissez la grille de mots croisĂ©s Force 4 ci-dessous. Il vous suffit de cliquer sur une case pour pouvoir y entrer la lettre de votre choix. Grille n°1023 du 9... 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Tous les articles Mots croisĂ©s Force 4 5 Maison ronde faite avec des blocs de glace ou de neige. 10) Contraire de petit. 6) Épaisse couche de glace qui flotte dans les mers polaires. 13) Pencher 9) Qui n'a pas de couleur. 15) Grande luge qui avance sur la neige tirĂ©e par des rennes ou des chiens. 11) Passer devant en allant plus vite. 16) Contraire de douloureux ; qui ne fait pas
La Shoah, ou entreprise d'extermination des juifs d'Europe 1941-1945, est l'aboutissement de l'idĂ©ologie raciste et antisĂ©mite dĂ©veloppĂ©e par Hitler, FĂŒhrer de l'Allemagne. Elle se dĂ©roule en pleine guerre mondiale, tandis que l'Allemagne hitlĂ©rienne et ses alliĂ©s combattent le monde entier note. Elle porte Ă  son paroxysme la rupture des EuropĂ©ens avec les valeurs chrĂ©tiennes, humanistes et philosophiques qui ont fait la grandeur de leur civilisation. Hitler et les juifs Adolf Hitler est le premier coupable de l'extermination des Juifs. DĂšs 1920, Ă  son initiative, le petit parti nazi dont il a pris la direction projette d'attribuer aux Juifs le mĂȘme statut qu'aux Ă©trangers et de favoriser leur Ă©migration. Dans Mein Kampf Mon combat », le livre qu'il Ă©crit en prison en 1924 pour dĂ©crire son itinĂ©raire et exposer son projet politique, le futur FĂŒhrer s'Ă©panche sur ses sentiments antisĂ©mites mais ne dit rien du sort qu'il rĂ©serve aux Juifs une fois qu'il serait au pouvoir. En 1928, il renouvelle le souhait de ne tolĂ©rer les Juifs en Allemagne que comme des Ă©trangers ». Sauf en tordant les mots, on ne peut trouver dans Mein Kampf un projet d'extermination physique des Juifs. Hitler ne conçoit pas en effet de tuer tous les Juifs de la Terre, y compris ceux d'AmĂ©rique ou d'Afrique du Sud ! Il se satisfait donc de la perspective de chasser le demi-million de Juifs qui peuple l'Allemagne... Mais il oublie au passage que sa politique de conquĂȘte placera en son pouvoir les millions de Juifs polonais et soviĂ©tiques, sans possibilitĂ© de les chasser comme les prĂ©cĂ©dents. La montĂ©e progressive de l'antisĂ©mitisme Quand Hitler prend le pouvoir en 1933, peu de gens prĂȘtent attention Ă  ses foucades antisĂ©mites d'autant qu'il y met un bĂ©mol aprĂšs la journĂ©e de boycott des magasins juifs organisĂ©e le 1er avril 1933. En 1935, brutal changement de ton. Les lois antisĂ©mites de Nuremberg, principalement destinĂ©es Ă  interdire les unions mixtes entre Aryens » et Juifs, font remonter la pression. Les nazis pratiquent dĂšs lors un antisĂ©mitisme de plus en plus brutal sans toutefois organiser des meurtres systĂ©matiques. Leur objectif est de pousser les Juifs Ă  l'exil, autrement dit d'obtenir une Allemagne judenrein » vidĂ©e de ses Juifs. Dans l'Autriche, sitĂŽt aprĂšs son annexion, Eichmann l'applique avec une redoutable efficacitĂ©. SollicitĂ©s par les nazis de trouver une solution », les Occidentaux se rĂ©unissent Ă  Évian en juillet 1938 mais c'est pour Ă©taler leurs rĂ©ticences Ă  accueillir les candidats Ă  l'exil crainte du chĂŽmage..., ce qui dĂ©clenche l'ironie du FĂŒhrer. Toutefois, l'antisĂ©mitisme et le bellicisme dĂ©sormais affichĂ©s sans vergogne par les nazis sont encore loin de faire l'unanimitĂ© parmi les Allemands... Vers l'extermination Le 30 janvier 1939, tandis que se fait jour l'imminence d'un conflit gĂ©nĂ©ralisĂ©, le FĂŒhrer Ă©voque pour la premiĂšre fois en public, devant le Reichstag Parlement allemand, le projet d'exterminer les Juifs et non plus seulement de les chasser dans l'hypothĂšse oĂč ils menaceraient son projet politique Si la juiverie internationale devait rĂ©ussir, en Europe ou ailleurs, Ă  prĂ©cipiter les nations dans une guerre mondiale, il en rĂ©sulterait, non pas la bolchevisation de l'Europe et la victoire du JudaĂŻsme, mais l'extermination de la race juive ». Aucun auditeur ne prend Ă  la lettre le propos, d'autant que tout semble rĂ©ussir au FĂŒhrer avec l'occupation sans coup fĂ©rir de la BohĂȘme-Moravie, de la Pologne puis de la France. - dĂ©peçage de la Pologne Le 25 mai 1940, sur instruction de Hitler, le chef de la SS Himmler organise dans la Pologne occupĂ©e un triage racial » en restreignant l'enseignement secondaire aux enfants racialement purs ». Il s'agit de rĂ©duire les Polonais tant catholiques que juifs Ă  l'Ă©tat d'esclave. - vers la ghettoĂŻsation » La tonalitĂ© change au printemps 1941, quand l'Allemagne se retrouve en guerre contre l'Angleterre de Winston Churchill et l'URSS de Staline. Son gouvernement doit renoncer Ă  chasser les juifs vers d'autres contrĂ©es comme Madagascar ! Himmler songe Ă  regrouper les Juifs de l'Est dans des rĂ©serves » autour de Lublin, dans le Gouvernement GĂ©nĂ©ral ex-Pologne sous occupation allemande. Cette dĂ©marche reçoit un dĂ©but d'application avec la ghettoĂŻsation. Elle est officiellement justifiĂ©e par le souci de protĂ©ger les Juifs contre le typhus ! De fait, elle accĂ©lĂšre la disparition des Juifs en exposant ceux-ci Ă  la famine et aux exactions de toutes sortes. Premiers massacres de masse A l'Ă©tĂ© 1941, lorsqu'est dĂ©clenchĂ©e l'opĂ©ration Barbarossa » contre l'URSS, quatre Einsatzgruppen groupes mobiles d'intervention » de la SS entreprennent de nettoyer » l'arriĂšre pour Ă©viter que des francs-tireurs ne s'en prennent aux soldats. Pour cela, ils fusillent prĂ©ventivement les commissaires politiques du parti communiste et les juifs en Ăąge de combattre. TrĂšs vite, dĂšs le mois d'aoĂ»t 1941, avec l'encouragement tacite mais non formel des chefs de la SS, Himmler et Heydrich, qui multiplient les visites d'inspection sur le terrain, les Einsatzgruppen Ă©tendent leur action aux femmes et aux enfants juifs. Les massacres par balles prennent une dimension apocalyptique, comme Ă  Babi Yar Kiev victimes en deux jours, les 29 et 30 septembre 1941. Le commandant d'un Einsatzgruppe qui a participĂ© prĂ©cĂ©demment, en Allemagne, Ă  l'Ă©limination par le gaz des handicapĂ©s mentaux, Ă©tend la mĂ©thode aux Juifs, au dĂ©but en les asphyxiant avec les gaz d'Ă©chappement d'un camion. Il s'ensuit qu'Ă  la fin de l'annĂ©e 1941, Ă  Juifs, hommes, femmes et enfants, ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© assassinĂ©s de diffĂ©rentes façons sans qu'aucun projet planifiĂ© d'extermination n'ait encore Ă©tĂ© mis en oeuvre. Le gĂ©nocide et la guerre À ce moment-lĂ , dans les plaines russes, la Wehrmacht piĂ©tine devant l'arrivĂ©e de l'hiver et la rĂ©sistance des partisans. La dĂ©faite se profile Ă  Stalingrad. D'autre part, les États-Unis entrent en guerre contre l'Axe qui rĂ©unit l'Allemagne, l'Italie et le Japon. ApprĂ©hendant une nouvelle dĂ©faite aprĂšs celle de 1918, le FĂŒhrer Ă©prouve le besoin d'engager totalement le peuple allemand Ă  ses cĂŽtĂ©s. Alors prend forme le projet d'extermination totale des juifs d'Europe. Ce sera la Solution finale de la question juive » en allemand Endlösung der Judenfrage. Ses aspects logistiques sont dĂ©finis lors de la fameuse rĂ©union de Wannsee, le 20 janvier 1942. Une gigantesque organisation de type industriel va conduire Ă  la disparition en moins de quatre ans d'un total de six millions d'innocents. C'est ainsi qu'Ă  l'est de Minsk BiĂ©lorussie, les Einsatzgruppen poursuivent sans faillir les fusillades Ă  ciel ouvert jusqu'en 1944. Du cĂŽtĂ© occidental, Ă  l'ouest de Cracovie Pologne, les nazis prennent davantage de prĂ©cautions pour ne pas heurter de plein fouet l'opinion publique ils mettent en place une puissante organisation logistique au centre de laquelle figurent des camps de travail forcĂ© et des camps d'extermination avec chambres Ă  gaz et fours crĂ©matoires dont Auschwitz est le cruel symbole. PubliĂ© ou mis Ă  jour le 2021-10-06 103159
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  • camp de travail forcĂ© en urss mots croisĂ©s